Inde
LE DÉPART
2012
Flux tendu
12 Avril 2012
J’ai décidé de partir en Inde, pays aux multiples divinités, à la foule innombrable et aux habitudes bizarres, chercher un peu de je-ne-sais-quoi au loin.
Je quitte la Suisse, Verbier, et mon boulot de photographe en station de ski, je quitte mon Saint-Bernard Apolo et tous les copains, les restau’ à quatre-vingt euros et les soirées épileptiques.
J’ai décidé de partir en Inde, pays aux multiples divinités, à la foule innombrable et aux habitudes bizarres, chercher un peu de je-ne-sais-quoi au loin.
Je quitte la Suisse, Verbier, et mon boulot de photographe en station de ski, je quitte mon Saint-Bernard Apolo et tous les copains, les restau’ à quatre-vingt euros et les soirées épileptiques.
J’ai les poches pleines de monnaie helvétique, une valeur sûre en cette époque de crise, un peu de temps devant moi, et rejoins maintenant Barcelonamigo pour quatre jours de déambulation, rigolade, cerveza beer et retrouvailles avec mes potes.
Je n’ai pas mon visa pour l’Inde, mais j’ai deux caleçons, trois paires de chaussettes, un trépied, un appareil photo avec un 50 mm et un 24/70, un ordinateur, du matériel de light-painting et deux pantalons. Tout ce qu’il me faut pour voyager au maximum léger, mais aussi le stress du flux tendu auquel je me suis astreint.
Je me retrouve à Paris dans le stress.
Il pleut et ça tranche avec Barcelone.
C'est ça la magie de l'avion, tu passes du blanc au noir sans les dégradés.
Il pleut et ça tranche avec Barcelone.
C'est ça la magie de l'avion, tu passes du blanc au noir sans les dégradés.
Bloqué dans les embouteillages de la capitale française, j'arrive trop tard car le bureau des visas en urgence est fermé à l’heure où je mets le pied sur le sol parisien, faudra revenir demain, date de mon départ.
Je rate donc mon avion par manque d’organisation, et devrai racheter plein pot l'aller pour le surlendemain.
Je rate donc mon avion par manque d’organisation, et devrai racheter plein pot l'aller pour le surlendemain.
Brice qui m’accueille chez lui rigole bien, « t’inquiète Vince, on mettra des poubelles sous ma mezzanine et tu seras comme en Inde, tu pourras faire des photos ».
Je passe donc deux jours chez lui, rachète mon billet pour Delhi, m’occupe de mon visa et là, je mange enfin indien !
Ça me paraît fade pourtant et pas du tout épicé, ça ressemble à la bouffe du traiteur intraitable : Martinet, réchauffée avec amour au micro-ondes.
Je passe donc deux jours chez lui, rachète mon billet pour Delhi, m’occupe de mon visa et là, je mange enfin indien !
Ça me paraît fade pourtant et pas du tout épicé, ça ressemble à la bouffe du traiteur intraitable : Martinet, réchauffée avec amour au micro-ondes.
Ça doit être à cause de la climatisation réglée à vingt-deux degrés pour combler les moins cinquante-six degrés hors de l’habitacle ou le fait que ce soit le plateau repas en barquette de l’avion.
L’écran en face de moi se rallume sans cesse et m’indique toutes les infos utiles pour savoir où nous sommes, à quelle vitesse nous volons, la température qu’il fait dehors et notre heure d’arrivée. À coté de moi deux gros sièges vides, confort total. Les gens autour regardent des films indiens et ça m’a tout l’air de ressembler à des blockbusters américains. Des gros gars musclés avec des armes et des meufs siliconées. Parfaitement naze. Je préfère dormir.
Depuis mon départ de Bruxelles j’ai dormi six heures et, grâce à l'écran de contrôle, je sais que je suis à présent au dessus de l’Afghanistan, l'image d'un drapeau américain flottant au vent me traverse l'esprit.
C’est pas loin les autres, quand on est à neuf cent cinquante kilomètres par heure au dessus des nuages.
Lorsque l’on paye, tout se résume à ça : dormir, manger, péter.
Je pense à la pollution, puis me rendors. Je suis sûr que les vaches nous tueront tous mais j'ai vraiment bien envie de les aider (info ici).
L’écran en face de moi se rallume sans cesse et m’indique toutes les infos utiles pour savoir où nous sommes, à quelle vitesse nous volons, la température qu’il fait dehors et notre heure d’arrivée. À coté de moi deux gros sièges vides, confort total. Les gens autour regardent des films indiens et ça m’a tout l’air de ressembler à des blockbusters américains. Des gros gars musclés avec des armes et des meufs siliconées. Parfaitement naze. Je préfère dormir.
Depuis mon départ de Bruxelles j’ai dormi six heures et, grâce à l'écran de contrôle, je sais que je suis à présent au dessus de l’Afghanistan, l'image d'un drapeau américain flottant au vent me traverse l'esprit.
C’est pas loin les autres, quand on est à neuf cent cinquante kilomètres par heure au dessus des nuages.
Lorsque l’on paye, tout se résume à ça : dormir, manger, péter.
Je pense à la pollution, puis me rendors. Je suis sûr que les vaches nous tueront tous mais j'ai vraiment bien envie de les aider (info ici).
NEW DELHI
Premiers echanges
J’arrive à New Delhi à vingt-trois heures, heure locale.
En Inde.
Vous connaissez ? Vous avez vu Slum Dog Millionaire, hein ?
Moi aussi.
Dans le métro qui joint l’aéroport à la ville, je suis seul avec une famille de locaux qui commence à me parler avec un accent anglais particulièrement hindou. Ils roulent les "r". Je ne comprends pas tout mais ils sont très sympas, de bon parti et je suis bien content d’être avec eux. Le temps passe vite dans ce métro flambant neuf et je continue à converser avec le plus grand des deux garçons alors que nous sortons de sous terre.
Ma première vision de New Delhi est assez confuse.
Il est onze heures et demi du soir et il y a un paquet de monde dehors. Il y a cette chaleur et odeur de multitude, des ordures volantes ou entassées sous des lumières jaunâtres. Les gens sont regroupés ensemble, formant une masse sombre fumante découpée dans l’orange poisseux caractéristique des villes.
La famille me dit au revoir et je leur dis que je vais marcher, il n’y pas plus de quinze minutes à pied de l’endroit où je veux aller. J’allume une cigarette et suis bientôt entouré par une demi-douzaine de taxis, autos, scooters et vélos-rickshaw quand l’un des garçons de la famille me tire par le bras et me dit de les accompagner. Je les suis de bon cœur, content de ne pas tout de suite affronter seul ma réalité et l'offre apparemment surabondante de services qui m'est proposée...
Avant de monter dans leur taxi ils conviennent avec un vélo-rickshaw de m’emmener où je le souhaite pour vingt roupies, je trouve la proposition plus qu’honnête et monte volontiers sur l’engin brinquebalant.
Klaxons de voitures, esquives, déchets partout, gens qui dorment dehors, pas mal de chiens, grosses enseignes lumineuses d’hôtels, voitures à fond qui klaxonnent, c’est sale ici, je vais à Pahar Ganj le quartier populaire de la ville.
Pendant le trajet le conducteur du vélo-rickshaw s’enquiert de mon choix d’hôtel et je lui dis « cheap » comme un connard, comme tout le monde. Je lui montre sur mon Guide du Routard l'endroit que j'ai choisi et il me fait un signe de tête, brinquebalant lui aussi.
J’arrive quelque part. On arrive toujours quelque part. Là c'est devant l’hôtel de son choix -où il touchera une commission- pas où je lui avais demandé. Ça m’énerve, je suis stressé, je suis français nom de dieu ! Je l’embrouille allègrement, il me dit maintenant que c’est cent roupies pour aller où je veux car il n’aura pas sa gratte. J’ai la veine du front qui gonfle pendant que je continue à gueuler dans un anglais approximatif et les gens s’interrogent autour de nous. Une vache qui bouffait dans les poubelles interrompt son festin, me regarde et j’ai un peu honte. Je le vois ou peut être que je paranoïe. C’est vraiment sale, les gens autour de nous ont les yeux luisants et je ne suis pas du tout en confiance - c’est la nuit.
Je vais me calmer.
J’accepte les cent roupies et nous allons à l’hôtel où je souhaitais aller. Il est dans la catégorie « très bon marché » sur Le Guide du Routard donc c’est forcément un lieu qui me satisfera. Ça a été contrôlé par des experts, des routards, quand même ! L’endroit me paraît aussi pourri que l’autre, mais il est plus cher et ils n’ont pas de chambres disponibles. Je sors de l’hôtel en rigolant et dis au conducteur de m’emmener où il veut, j’en ai marre, il est minuit et demi, j’ai mon sac de treize kilos et l’envie de me poser.
Le gars de la réception de l’hôtel ressemble à Nanoo l’underground (voir ici), un rappeur de la banlieue lyonnaise mais en plus indien. La même vilaine peau. Pas de sourire. Je paye le taxi/vélo, ma chambre et me pose. Je suis dans les années cinquante avec l’usure des années, le ventilateur au plafond fait un bruit incroyable et j’ai encore l’impression de voler mais dans un coucou cette fois. Si je l'arrête je fonds littéralement dans la chambre, il n'y a pas de fenêtre, il fait très chaud et les draps ne sont pas vraiment propres. Je mets mon sac de couchage par dessus tout ça et hop, la viande dans le torchon, prêt à transpirer. Il n’y a pas de pommeau de douche dans la salle de bain, je me lave à l’eau froide d’un robinet oxydé qui coule un peu partout dans la pièce.
J’ai compris, ça va être roots. Je suis tonique et j’ai la fesse ferme, je me sens vivant et bien content d’être là. Demain Vendredi 13 Avril, je me tire de cet endroit. J’ai envie de choisir moi-même où je vais et de voir où je suis.
En Inde.
Vous connaissez ? Vous avez vu Slum Dog Millionaire, hein ?
Moi aussi.
Dans le métro qui joint l’aéroport à la ville, je suis seul avec une famille de locaux qui commence à me parler avec un accent anglais particulièrement hindou. Ils roulent les "r". Je ne comprends pas tout mais ils sont très sympas, de bon parti et je suis bien content d’être avec eux. Le temps passe vite dans ce métro flambant neuf et je continue à converser avec le plus grand des deux garçons alors que nous sortons de sous terre.
Ma première vision de New Delhi est assez confuse.
Il est onze heures et demi du soir et il y a un paquet de monde dehors. Il y a cette chaleur et odeur de multitude, des ordures volantes ou entassées sous des lumières jaunâtres. Les gens sont regroupés ensemble, formant une masse sombre fumante découpée dans l’orange poisseux caractéristique des villes.
La famille me dit au revoir et je leur dis que je vais marcher, il n’y pas plus de quinze minutes à pied de l’endroit où je veux aller. J’allume une cigarette et suis bientôt entouré par une demi-douzaine de taxis, autos, scooters et vélos-rickshaw quand l’un des garçons de la famille me tire par le bras et me dit de les accompagner. Je les suis de bon cœur, content de ne pas tout de suite affronter seul ma réalité et l'offre apparemment surabondante de services qui m'est proposée...
Avant de monter dans leur taxi ils conviennent avec un vélo-rickshaw de m’emmener où je le souhaite pour vingt roupies, je trouve la proposition plus qu’honnête et monte volontiers sur l’engin brinquebalant.
Klaxons de voitures, esquives, déchets partout, gens qui dorment dehors, pas mal de chiens, grosses enseignes lumineuses d’hôtels, voitures à fond qui klaxonnent, c’est sale ici, je vais à Pahar Ganj le quartier populaire de la ville.
Pendant le trajet le conducteur du vélo-rickshaw s’enquiert de mon choix d’hôtel et je lui dis « cheap » comme un connard, comme tout le monde. Je lui montre sur mon Guide du Routard l'endroit que j'ai choisi et il me fait un signe de tête, brinquebalant lui aussi.
J’arrive quelque part. On arrive toujours quelque part. Là c'est devant l’hôtel de son choix -où il touchera une commission- pas où je lui avais demandé. Ça m’énerve, je suis stressé, je suis français nom de dieu ! Je l’embrouille allègrement, il me dit maintenant que c’est cent roupies pour aller où je veux car il n’aura pas sa gratte. J’ai la veine du front qui gonfle pendant que je continue à gueuler dans un anglais approximatif et les gens s’interrogent autour de nous. Une vache qui bouffait dans les poubelles interrompt son festin, me regarde et j’ai un peu honte. Je le vois ou peut être que je paranoïe. C’est vraiment sale, les gens autour de nous ont les yeux luisants et je ne suis pas du tout en confiance - c’est la nuit.
Je vais me calmer.
J’accepte les cent roupies et nous allons à l’hôtel où je souhaitais aller. Il est dans la catégorie « très bon marché » sur Le Guide du Routard donc c’est forcément un lieu qui me satisfera. Ça a été contrôlé par des experts, des routards, quand même ! L’endroit me paraît aussi pourri que l’autre, mais il est plus cher et ils n’ont pas de chambres disponibles. Je sors de l’hôtel en rigolant et dis au conducteur de m’emmener où il veut, j’en ai marre, il est minuit et demi, j’ai mon sac de treize kilos et l’envie de me poser.
Le gars de la réception de l’hôtel ressemble à Nanoo l’underground (voir ici), un rappeur de la banlieue lyonnaise mais en plus indien. La même vilaine peau. Pas de sourire. Je paye le taxi/vélo, ma chambre et me pose. Je suis dans les années cinquante avec l’usure des années, le ventilateur au plafond fait un bruit incroyable et j’ai encore l’impression de voler mais dans un coucou cette fois. Si je l'arrête je fonds littéralement dans la chambre, il n'y a pas de fenêtre, il fait très chaud et les draps ne sont pas vraiment propres. Je mets mon sac de couchage par dessus tout ça et hop, la viande dans le torchon, prêt à transpirer. Il n’y a pas de pommeau de douche dans la salle de bain, je me lave à l’eau froide d’un robinet oxydé qui coule un peu partout dans la pièce.
J’ai compris, ça va être roots. Je suis tonique et j’ai la fesse ferme, je me sens vivant et bien content d’être là. Demain Vendredi 13 Avril, je me tire de cet endroit. J’ai envie de choisir moi-même où je vais et de voir où je suis.
MUltitudes
(Monnaie et contraction)
Vendredi 13 Avril 2012
Je sors le matin un peu hagard de l’hôtel et essaie de me repérer. Il fait gris mais ça m’arrange, il ne fera pas trop chaud aujourd’hui.
Je prends l’un des premiers hôtels qui se présente, aussi sale que l’autre mais moins cher encore.
Je sors le matin un peu hagard de l’hôtel et essaie de me repérer. Il fait gris mais ça m’arrange, il ne fera pas trop chaud aujourd’hui.
Je prends l’un des premiers hôtels qui se présente, aussi sale que l’autre mais moins cher encore.
J’essaie de faire des photos mais je ne me sens pas à l’aise. Il y a tellement de gens qui m’interpellent et j’essaie d’être gentil avec tous. Ça me rappelle énormément le Maroc, je suis dans Pahar Ganj, le coin touristique et populaire et, dès que tu jettes un œil quelque part une conversation est automatiquement engagée. Finalité : acheter. Tout le monde parle anglais ici, vestige des colonies. C'est tellement pratique avec nous les touristes.
Je n’ai envie de rien, seulement de marcher et de regarder les gens s’activer, je m’assieds souvent par terre dans un endroit discret et je regarde.
Un gars, la vingtaine, vient me taper la conversation et du feu et je le trouve très élégant avec ses deux écritures hindouistes discrètement tatouées. Sur sa main un «Om» et sur son plexus son prénom. Je lui demande si je peux le prendre en photo, il paraît flatté et accepte.
Un gars, la vingtaine, vient me taper la conversation et du feu et je le trouve très élégant avec ses deux écritures hindouistes discrètement tatouées. Sur sa main un «Om» et sur son plexus son prénom. Je lui demande si je peux le prendre en photo, il paraît flatté et accepte.
Je suis bien content de l’avoir rencontré, ça me donne la pêche et l’envie de découvrir d’autres personnes, un truc simple comme bonjour, sans plus ni moins.
Un jeune homme se propose de m’accompagner sur mon trajet, il me dit être étudiant en langues. Je sens qu’il a un objectif derrière cette anodine balade. Je ne vois pas lequel mais je suis curieux et le laisse donc dévoiler ses cartes petit à petit. Arrivé à ma destination il me suggère d’aller boire un thé chez un de ses amis et je le suis tout en me disant que je vais peut-être le regretter. S’il y a embrouille je saurai aussi lui faire mal, en tout cas je me défendrai et mon appareil photo aussi; comme sur ce pont à Glasgow avec ce type alcoolique qui testait mes limites (voir ici et ici). Il ne me paraît pas très costaud mais je ne suis pas très bagarreur non plus. Nous arrivons dans une agence de voyage où un jeune de vingt-cinq ans est assis derrière un bureau et se la raconte. Il me parle du Rajasthan, qu’il faut que je vois la «vraie» facette de l’Inde, celle qu’aucun touriste n’a jamais vue. Je lui explique mon départ pour le Népal dans deux jours, le fait que je n’ai pas trop de thunes et surtout que voyager accompagné d’un guide en voiture privée pour traverser des villages ne m’attire pas du tout. Je lui dis qu’il devrait mieux choisir ses clients avant de perdre du temps et m’en vais en toute courtoisie. En sortant de l'agence je vois ce mec qui marche, un foulard sur le visage, et je fais cette photo qui me plaît beaucoup.
Un jeune homme se propose de m’accompagner sur mon trajet, il me dit être étudiant en langues. Je sens qu’il a un objectif derrière cette anodine balade. Je ne vois pas lequel mais je suis curieux et le laisse donc dévoiler ses cartes petit à petit. Arrivé à ma destination il me suggère d’aller boire un thé chez un de ses amis et je le suis tout en me disant que je vais peut-être le regretter. S’il y a embrouille je saurai aussi lui faire mal, en tout cas je me défendrai et mon appareil photo aussi; comme sur ce pont à Glasgow avec ce type alcoolique qui testait mes limites (voir ici et ici). Il ne me paraît pas très costaud mais je ne suis pas très bagarreur non plus. Nous arrivons dans une agence de voyage où un jeune de vingt-cinq ans est assis derrière un bureau et se la raconte. Il me parle du Rajasthan, qu’il faut que je vois la «vraie» facette de l’Inde, celle qu’aucun touriste n’a jamais vue. Je lui explique mon départ pour le Népal dans deux jours, le fait que je n’ai pas trop de thunes et surtout que voyager accompagné d’un guide en voiture privée pour traverser des villages ne m’attire pas du tout. Je lui dis qu’il devrait mieux choisir ses clients avant de perdre du temps et m’en vais en toute courtoisie. En sortant de l'agence je vois ce mec qui marche, un foulard sur le visage, et je fais cette photo qui me plaît beaucoup.
On voit ce que l'on veut, je suis libre.
Je reste deux jours seulement à New Delhi, ensuite dimanche je prends l’avion pour le Népal, direction Kathmandou.
Je passe ces deux jours à faire énormément de portraits de gens que j’arrête dans la rue.
Je passe ces deux jours à faire énormément de portraits de gens que j’arrête dans la rue.
Je rencontre beaucoup de personnes qui travaillent, d’autres qui mendient, des riches, des pauvres, des vieux, des jeunes...
Rares sont ceux qui n’ont pas quelque chose à vendre mais il y en a aussi, à nous de savoir les débusquer. Auto-rickshaw, jus de fruits, sandales, t-shirts, nourriture, cirage de pompes…Tout est offert au plaisir des yeux et de nos possibilités.
Rares sont ceux qui n’ont pas quelque chose à vendre mais il y en a aussi, à nous de savoir les débusquer. Auto-rickshaw, jus de fruits, sandales, t-shirts, nourriture, cirage de pompes…Tout est offert au plaisir des yeux et de nos possibilités.
Je bouffe du chapati accompagné de pois chiches, debout avec les doigts et c’est rudement bon.
Je rencontre un vieux baba ravissant qui me dévisage, lui demande pour un portrait, il accepte et les gens autour de nous se moquent. Il est accro’ à l’herbe apparemment car son visage change lorsque son dealer lui en met sous le nez, on dirait un enfant.
Je rencontre un vieux baba ravissant qui me dévisage, lui demande pour un portrait, il accepte et les gens autour de nous se moquent. Il est accro’ à l’herbe apparemment car son visage change lorsque son dealer lui en met sous le nez, on dirait un enfant.
Tout le monde rigole, je fais une photo du dealer pour donner le change, lui mâche du pan-pan (sorte de tabac à chiquer) qui colore les dents en rouge et il est vraiment affreux.
Mes pompes sont trouées c’est un fait. Quand ce gosse me propose de les réparer pour vingt roupies j’accepte, voyant la bonne affaire.
Un autre jeune apparemment muet nous rejoint et il me dit que c’est lui qui va s’occuper de ça. Pendant que le muet recoud mes chaussures mon rabatteur me travaille psychologiquement. Il me raconte l’histoire de son ami dont les parents sont morts brulés dans l’explosion de leur appartement à cause d’une fuite de gaz. Karma, bonne énergie, compassion, espoir, tout y passe en moins de dix minutes. "I see in your eyes you're a good guy, you have a good karma". Je finis par filer deux-cent roupies à ce gosse des rues qui me submerge de paroles tellement son bagout et son air sont parfaits.
Je paye le spectacle et j’apprends.
Un autre jeune apparemment muet nous rejoint et il me dit que c’est lui qui va s’occuper de ça. Pendant que le muet recoud mes chaussures mon rabatteur me travaille psychologiquement. Il me raconte l’histoire de son ami dont les parents sont morts brulés dans l’explosion de leur appartement à cause d’une fuite de gaz. Karma, bonne énergie, compassion, espoir, tout y passe en moins de dix minutes. "I see in your eyes you're a good guy, you have a good karma". Je finis par filer deux-cent roupies à ce gosse des rues qui me submerge de paroles tellement son bagout et son air sont parfaits.
Je paye le spectacle et j’apprends.
Je le recroise dans le quartier le lendemain et fais une photo. Je l'aime beaucoup, il a la classe ce gars.
Je lave mon deuxième tee-shirt à l’hôtel au savon. Je suis bien content d’en avoir deux. Ça fait un moment que j’ai mon tee-shirt Ganesh sur le dos.
À l'entrée du métro les gens se pressent et poussent, il y a tellement d'agitation, c'est comme chez nous mais en Inde. En soixante ans, la population a triplé, un pays d'un milliard deux cent mille âmes. Quelqu’un me touche le pied pendant qu’un vendeur de voyages me dit de me relaxer et que je lui rigole au nez, mes épaules s'entrechoquent avec celles de la masse pressante et j'ai l'impression de bloquer le flux humain à écouter son baratin.
Pourquoi est-ce que je devrais être relax ? Je veux simplement faire comme tout le monde, prendre le métro le plus rapidement possible et aller où je le veux Je n’ai pas envie d’écouter ses propositions de voyages. Alors que je m’en vais le gars qui a rampé à mes pieds me provoque maintenant en duel, il veut se battre avec moi pour lui avoir fait l’affront de l’avoir ignoré. Je me rappelle ce que j’ai lu dans l’avion à propos du toucher de pied. C’est un énorme signe de respect et ne pas y répondre équivaut à une insulte. Interloqué, je regarde le type et me dit qu’il est taré car il a l’air bien décidé à vouloir la bagarre. Pas pour de rire. Je ne sais pas ce que l’on y gagnerait et ne suis pas énormément relax en entrant dans le métro. Que voulait-il vraiment ? Sûrement ma sale thune d'européen.
Je me fais fouiller comme tout le monde, en passant les portes magnétiques. La vague humaine est canalisée par deux portes permettant d'éviter l'entrée aux gens armés. Les indiens se collent les uns aux autres pour éviter les resquilleurs, et ça n'évite absolument pas le mélange des transpirations. Le goût salé sur mes lèvres me dégoute tout à fait. Je comprends pourquoi les dames ont une file à part. Celle-ci est plus courte, voire inexistante, la jeune militaire en charge des fouilles féminines bâille et s’ennuie.
Où sont les femmes ?
À l'entrée du métro les gens se pressent et poussent, il y a tellement d'agitation, c'est comme chez nous mais en Inde. En soixante ans, la population a triplé, un pays d'un milliard deux cent mille âmes. Quelqu’un me touche le pied pendant qu’un vendeur de voyages me dit de me relaxer et que je lui rigole au nez, mes épaules s'entrechoquent avec celles de la masse pressante et j'ai l'impression de bloquer le flux humain à écouter son baratin.
Pourquoi est-ce que je devrais être relax ? Je veux simplement faire comme tout le monde, prendre le métro le plus rapidement possible et aller où je le veux Je n’ai pas envie d’écouter ses propositions de voyages. Alors que je m’en vais le gars qui a rampé à mes pieds me provoque maintenant en duel, il veut se battre avec moi pour lui avoir fait l’affront de l’avoir ignoré. Je me rappelle ce que j’ai lu dans l’avion à propos du toucher de pied. C’est un énorme signe de respect et ne pas y répondre équivaut à une insulte. Interloqué, je regarde le type et me dit qu’il est taré car il a l’air bien décidé à vouloir la bagarre. Pas pour de rire. Je ne sais pas ce que l’on y gagnerait et ne suis pas énormément relax en entrant dans le métro. Que voulait-il vraiment ? Sûrement ma sale thune d'européen.
Je me fais fouiller comme tout le monde, en passant les portes magnétiques. La vague humaine est canalisée par deux portes permettant d'éviter l'entrée aux gens armés. Les indiens se collent les uns aux autres pour éviter les resquilleurs, et ça n'évite absolument pas le mélange des transpirations. Le goût salé sur mes lèvres me dégoute tout à fait. Je comprends pourquoi les dames ont une file à part. Celle-ci est plus courte, voire inexistante, la jeune militaire en charge des fouilles féminines bâille et s’ennuie.
Où sont les femmes ?
La nuit tombe d'ici une heure, je vais dans Old Delhi et j'ai encore plus l'impression d'être au Maroc.
C’est la nuit mais il y a les lumières des échoppes et beaucoup de gens dans ces rues sinueuses, je disparais et réapparais au détour des moments.
L’agitation ne s’arrête jamais, des fantômes regardent le mouvement, regrettant d’en avoir été exclus ou attendant leur tour pour rentrer de nouveau dans la danse. Je suis sûrement l'un d'entre eux.
Il est temps d’aller rêver. C’est la fin de la journée.
JOUR GRIS
Samedi 14 Avril 2012
Un nouveau jour se lève dans la fourmilière indienne, le temps est assez maussade, il est six heure trente, il fait encore frais, je vais me balader avant que le gros bordel ambiant se reforme et me malaxe les sens.
Un nouveau jour se lève dans la fourmilière indienne, le temps est assez maussade, il est six heure trente, il fait encore frais, je vais me balader avant que le gros bordel ambiant se reforme et me malaxe les sens.
Je regarde ce qu’il se passe, les gens sont dehors et font leurs affaires, boivent du thé, discutent, nettoient et préparent leurs journées.
Je bois le thé avec deux anciens en croisant les doigts pour que mes intestins tiennent le coup. Ils sont bien marrants ces deux-là. L’un me parle en anglais et l’autre en indien.
De même avec un taximan qui s’ennuie, aujourd’hui tout le monde m’offre du thé, c’est chouette de bavarder sans avoir à écouter un discours commercial à la fin. C’est chouette de boire à l’ œil. C’est chouette de ne pas choper de merdouille dans le bide aussi.
De même avec un taximan qui s’ennuie, aujourd’hui tout le monde m’offre du thé, c’est chouette de bavarder sans avoir à écouter un discours commercial à la fin. C’est chouette de boire à l’ œil. C’est chouette de ne pas choper de merdouille dans le bide aussi.
Il fait encore gris aujourd'hui donc il fera frais, j’aime ce temps, la lumière est douce.
Je rencontre souvent des gens se brossant les dents dans la rue, des écoliers, des commerçants qui commencent la journée.
Être là, disponible, dans l'attente du déclic, du mouvement qui donnera un sens à notre présence ici.
Les mêmes rituels journaliers, indéfiniment, j’aimerai pouvoir tout vivre et ne pas me cantonner à une seule vie.
Les mêmes rituels journaliers, indéfiniment, j’aimerai pouvoir tout vivre et ne pas me cantonner à une seule vie.
Je pars en direction de Connaught Place. La place des grandes marques, des boutiques de vêtements, Benetton, Mac donald's et le tutti quanti à l'occidentale. Les prix sont les mêmes que chez nous, ça m'atterre en comparaison des possibilités de la classe moyenne. Je rencontre un étudiant en stylisme qui m'aborde, stressé et je ne comprends pas pourquoi il tient tant à m’accompagner. Il me dit que c’est un cadeau de l’Inde mais son état évoque plutôt la nécessité.
Je lui dis que je ne suis pas trop à l’aise avec ça puis me laisse aller. Il me fait visiter un temple Sikh, m’apprend à prier, on parle de la vie, des filles, de la religion, du fait qu’il soit allé en Europe grâce à son école de stylisme et que son père lui a donné neuf mille euros pour ce mois de vacances. Je ne sais pas si c’est vrai mais qu’importe, je commence à me sentir plutôt bien à parler avec lui. Je lui dis qu’il est sûrement plus riche que moi, alors, et son visage esquisse un tic de dégoût.
Au détour d’une rue il me demande de l’accompagner dans une agence de voyage, pour checker internet et je comprend alors qu’il fait le même travail que le jeune de l’autre jour. Déçu je lui demande si vraiment ça lui fait plaisir, il acquiesce et nous y allons.
Cette fois-ci le vendeur de voyage est un gros porc suffisant et nous nous détestons directement. Je le sens, ça suinte la haine. Au bout de 5 minutes il me dit qu’il ne fait pas d’affaires avec les menteurs et j’ai envie de lui dire «mais regarde moi bien connard» et je vois à coté celui qui m’a emmené qui transpire à grosses gouttes. J’arrête donc de me foutre de la gueule de Monsieur le-gros-porc et nous arrêtons là notre conversation à propos d’un voyage au Rajasthan. Dehors, je demande à mon rabatteur si ce mec est cool, et lui suggère : « parfois oui, parfois non, hein ? » et il confirme tout en jetant un coup d’œil derrière son épaule.
Je me sens assez triste et pars encore direction nulle part, je n’ai rien envie de voir, seulement traîner... Je me sens tellement crédule ici en Inde je ne veux pourtant en aucun cas me couper de mes relations avec les autres.
Je lui dis que je ne suis pas trop à l’aise avec ça puis me laisse aller. Il me fait visiter un temple Sikh, m’apprend à prier, on parle de la vie, des filles, de la religion, du fait qu’il soit allé en Europe grâce à son école de stylisme et que son père lui a donné neuf mille euros pour ce mois de vacances. Je ne sais pas si c’est vrai mais qu’importe, je commence à me sentir plutôt bien à parler avec lui. Je lui dis qu’il est sûrement plus riche que moi, alors, et son visage esquisse un tic de dégoût.
Au détour d’une rue il me demande de l’accompagner dans une agence de voyage, pour checker internet et je comprend alors qu’il fait le même travail que le jeune de l’autre jour. Déçu je lui demande si vraiment ça lui fait plaisir, il acquiesce et nous y allons.
Cette fois-ci le vendeur de voyage est un gros porc suffisant et nous nous détestons directement. Je le sens, ça suinte la haine. Au bout de 5 minutes il me dit qu’il ne fait pas d’affaires avec les menteurs et j’ai envie de lui dire «mais regarde moi bien connard» et je vois à coté celui qui m’a emmené qui transpire à grosses gouttes. J’arrête donc de me foutre de la gueule de Monsieur le-gros-porc et nous arrêtons là notre conversation à propos d’un voyage au Rajasthan. Dehors, je demande à mon rabatteur si ce mec est cool, et lui suggère : « parfois oui, parfois non, hein ? » et il confirme tout en jetant un coup d’œil derrière son épaule.
Je me sens assez triste et pars encore direction nulle part, je n’ai rien envie de voir, seulement traîner... Je me sens tellement crédule ici en Inde je ne veux pourtant en aucun cas me couper de mes relations avec les autres.
Je ne sais plus trop ce qu’il se passe : je fais des portraits plus ou moins réussis, un gay qui me certifie qu’il ne l’est pas me tient la main et me demande pourquoi j’aime tellement partir, je trouve qu’il y a beaucoup de pauvreté, de gens amputés, et de déchets partout. Je cherche la paix dans ce chaos et ce n'est pas sur Connaught place que je vais la trouver, j'ai encore plus envie de vomir.
J’en ai marre de filer de la thune à des gens qui sont en bonne santé, je vais essayer de donner seulement à ceux qui ne peuvent vivre que de la mendicité. Il y a tellement de nécessiteux.
Mais il n'y a pas que ça, il y a tellement de monde. La plupart des gens travaillent pour vivre.
Mais il n'y a pas que ça, il y a tellement de monde. La plupart des gens travaillent pour vivre.
J'ai quand même un faible pour les plus démunis, ceux qui essaient de te tirer dix ou vingt roupies. Ils sont les plus touchants, les plus simples et les plus beaux.
J'aime les jeunes, qui sont l'espoir de demain à condition qu'ils n'acceptent pas tout.
On ne devrait pas se gargariser de sa situation en laissant à la traîne le reste du monde. Nous sommes beaucoup ici et tous tellement dépendant du mouvement que génère notre vie. Il faudrait pouvoir se poser un coup, ralentir le monde, regarder en arrière et aider.
Je marche sur les grands axes encombrés de New Delhi et les klaxons des Indiens me rendent fou. J’ai du mal à traverser la rue.
C’est comme ça ici : tu risques de te blesser pour des conneries, on te bouscules, t’ignores ou te presses mais il y a toujours quelqu’un au milieu de la masse pour te faire un sourire et te redonner envie d’avancer avec foi.
Sans même un sourire,le marchand de tabac ne connaît pas la crise.
Je n'aimerai pas me balader comme ça dans la rue, je trouverai ça insultant. Mais le réceptionniste de l'hôtel lui a dit de faire attention, il y a des vols en Inde.
Il fait nuit bientôt, encore une fois et j'ai envie d'aller voir des trucs ailleurs. La ville est tellement grande.
Je prends encore le métro et suis étonné de sentir à quel point j’aime ça à ce moment là. Je me sens rassuré, tout est propre et l’on sait où l’on va. Quelqu’un m’a aidé simplement mais personne ne me parle en me collant aux basques, ça fait du bien aussi.
Je prends encore le métro et suis étonné de sentir à quel point j’aime ça à ce moment là. Je me sens rassuré, tout est propre et l’on sait où l’on va. Quelqu’un m’a aidé simplement mais personne ne me parle en me collant aux basques, ça fait du bien aussi.
Je regarde cette pub affreuse pour un film indien affreux et je me dis qu’on est baisé. La société du spectacle nous renvoie à présent des messages de haine.
Il faudrait chercher ailleurs nos valeurs.
Il faudrait chercher ailleurs nos valeurs.
La nuit en direction d’India Gate je marche et regarde des enfants travailler à vendre des jouets lumineux à d’autres enfants de familles plus aisées.
La vie n’est pas juste à la naissance.
Je croise deux transsexuels.
Le soda est tellement cher en comparaison de la nourriture.
Je rencontre des photographes qui prennent des photos des gens devant l’India gate. Ils font ça en famille et je pense à Nico, mon pote de saison.
J’ai la larme à l’ œil pour tout et rien et il se met à pleuvoir.
Tout ça se calme.
Mais je ne sais pas vraiment après quoi on court.
Je croise deux transsexuels.
Le soda est tellement cher en comparaison de la nourriture.
Je rencontre des photographes qui prennent des photos des gens devant l’India gate. Ils font ça en famille et je pense à Nico, mon pote de saison.
J’ai la larme à l’ œil pour tout et rien et il se met à pleuvoir.
Tout ça se calme.
Mais je ne sais pas vraiment après quoi on court.
Ok, Ok, demain je pars de Pahar Ganj, je n’ai pas vu grand chose de New Delhi malgré l’ensemble de mon temps sur place passé dehors. Deux jours c'est très court.
En tout les cas je me suis bien blindé et navigue maintenant avec fluidité au milieu des gens.
J’ai beaucoup moins peur qu’à mon arrivée.
En tout les cas je me suis bien blindé et navigue maintenant avec fluidité au milieu des gens.
J’ai beaucoup moins peur qu’à mon arrivée.
J’arrive presque à traverser.
Demain je pars à Kathmandhu au Népal. Je ne sais pas vraiment ce que c’est et je ne suis pas sur d’y comprendre grand chose non plus.
On verra bien…
Demain je pars à Kathmandhu au Népal. Je ne sais pas vraiment ce que c’est et je ne suis pas sur d’y comprendre grand chose non plus.
On verra bien…
NéPAL
KATMANDOU
Freak street
16 Avril 2012
J’ai décidé de choisir un hôtel à Freak street, l’ancien quartier des hippies et des toxicos. Jimi Hendrix aurait passé une nuit ici de son vivant mais je ne sais pas dans quel état. Ce sera moins cher que dans le quartier touristique et j’ai envie d’éviter de me faire interpeller sans cesse.
Tout est complet à part le Moon Lodge Hôtel, la chambre est petite avec lit simple, peu propre, mais l’ensemble sent bon la bougie et l’encens et c’est vraiment pas cher. Deux-cent roupies népalaises, moins de deux euros la nuit. Les douches et toilettes communes sont dans un piteux état dans des pièces obscures mais ce n’est pas un problème pour moi. Il fait chaud et je me lave à l’eau froide depuis mon arrivée en Inde. Seul changement à présent je me laverai dans le noir ou à la bougie. Il y a pas mal de soucis avec l’électricité ici.
La nuit tombe sur Katmandou alors que je sors de l’hôtel, il fait noir, vraiment noir dehors et aucun lampadaire n’est allumé. Les voitures et les motos éclairent la rue et se faufilent en klaxonnant à travers les gens. Il est huit heures du soir. Au Népal les coupures d’électricité sont journalières et les habitants sont habitués à se passer d’énergie électrique pendant de longs moments. Tous les matins et soirs il n’y a plus de jus. Adieu lumière, eau chaude, frigo, ordinateur et télévision. Bonjour bougies, lampes électriques et grognements. « Fuck Népal » comme dit le proprio de l’hôtel. Les coupures durent de quatre à cinq heures deux fois par jour et j’avoue que ça ne doit pas être pratique à la longue.
C’est dans le noir que j’entends quelqu’un me demander si je le reconnais, il fait noir et je ne vois pas grand chose. C’est Jolann, je ne le connais pas, il me paraît bien défoncé et il décide de m’accompagner, de toutes façons.
J’ai décidé de choisir un hôtel à Freak street, l’ancien quartier des hippies et des toxicos. Jimi Hendrix aurait passé une nuit ici de son vivant mais je ne sais pas dans quel état. Ce sera moins cher que dans le quartier touristique et j’ai envie d’éviter de me faire interpeller sans cesse.
Tout est complet à part le Moon Lodge Hôtel, la chambre est petite avec lit simple, peu propre, mais l’ensemble sent bon la bougie et l’encens et c’est vraiment pas cher. Deux-cent roupies népalaises, moins de deux euros la nuit. Les douches et toilettes communes sont dans un piteux état dans des pièces obscures mais ce n’est pas un problème pour moi. Il fait chaud et je me lave à l’eau froide depuis mon arrivée en Inde. Seul changement à présent je me laverai dans le noir ou à la bougie. Il y a pas mal de soucis avec l’électricité ici.
La nuit tombe sur Katmandou alors que je sors de l’hôtel, il fait noir, vraiment noir dehors et aucun lampadaire n’est allumé. Les voitures et les motos éclairent la rue et se faufilent en klaxonnant à travers les gens. Il est huit heures du soir. Au Népal les coupures d’électricité sont journalières et les habitants sont habitués à se passer d’énergie électrique pendant de longs moments. Tous les matins et soirs il n’y a plus de jus. Adieu lumière, eau chaude, frigo, ordinateur et télévision. Bonjour bougies, lampes électriques et grognements. « Fuck Népal » comme dit le proprio de l’hôtel. Les coupures durent de quatre à cinq heures deux fois par jour et j’avoue que ça ne doit pas être pratique à la longue.
C’est dans le noir que j’entends quelqu’un me demander si je le reconnais, il fait noir et je ne vois pas grand chose. C’est Jolann, je ne le connais pas, il me paraît bien défoncé et il décide de m’accompagner, de toutes façons.
Je crois que c'est son pas hagard, ou peut être sa façon de parler qui me confirme son état nébuleux.
Il a pris de la méthadone ce soir et a des problèmes avec l’héroïne. Là, il veut que l’on aille acheter des clopes. Il aime les Pilots car ce sont les moins chères. J’aime bien ce gars, il n’a rien à me vendre, il est complètement shooté et les gens nous regardent bizarrement. Nous allons manger mais il n’a pas faim et je suis content d’être en sa compagnie. Il me parle du quartier et de son pays, c’est cool pour les touristes mais ça l’est moins pour les népalais. Il ne croit pas en Dieu et ça me plait, il lui faudrait de l’argent pour acheter un stock de marchandises et la vendre au lieu de travailler à la commission pour d’autres. Il faudrait aussi qu’il arrête la drogue, « a lot of crisis man, a lot of crisis ».
Nous nous quittons une heure après, il bosse sur la place Durbar Square qui termine Freak street donc on se reverra. Je pars faire des photos et comme il n’y a pas de lumières ce n’est pas évident, les phares des voitures permettent d’éclairer par moments les endroits où je me trouve mais ça ne dure pas longtemps.
Nous nous quittons une heure après, il bosse sur la place Durbar Square qui termine Freak street donc on se reverra. Je pars faire des photos et comme il n’y a pas de lumières ce n’est pas évident, les phares des voitures permettent d’éclairer par moments les endroits où je me trouve mais ça ne dure pas longtemps.
La lumière revient à un moment et je vois beaucoup de chiens errants ici.
Au détour d’une rue je me fais engueuler par une meute et ça me refroidit, la nuit les chiens s’amusent et sont les rois, j’aurais aimé avoir un bâton ou confiance en moi. Ce soir je rentre à l’hôtel.
Offrandes
17 Avril 2013
Katmandou est la grande métropole népalaise et l’une des villes les plus polluée du monde. Un million de personnes vivent ici pourtant j’ai plus de mal à faire des photos, les gens sont moins démonstratifs qu’à New Delhi. Je n’arrive pas à faire des portraits, les masses sont pressées et compactes, tout va très vite et j’ai du mal à détacher les individus les uns des autres. Je n’ose pas vraiment les arrêter non plus.
Katmandou est la grande métropole népalaise et l’une des villes les plus polluée du monde. Un million de personnes vivent ici pourtant j’ai plus de mal à faire des photos, les gens sont moins démonstratifs qu’à New Delhi. Je n’arrive pas à faire des portraits, les masses sont pressées et compactes, tout va très vite et j’ai du mal à détacher les individus les uns des autres. Je n’ose pas vraiment les arrêter non plus.
Les gens sont très superstitieux et commencent leurs journées par des dons aux dieux, devant les temples.
Les vaches en sont les principales bénéficiaires, dans le quartier de Durbar Square, et les pigeons grattent tout ce qu'ils peuvent.
Les gens courent au milieu des pigeons, les enfants s'amusent et la vie fourmille. Il fait beau et frais et c’est vraiment un beau moment.
Une enfant qui prenait ses parents en photo se prend des coups de corne d’un veau mécontent, elle se relève en criant mais elle n’a rien. Le veau s’en tape et seuls les parents de l’enfant manifestent timidement leur mécontentement en prenant la tangente.
Personne ne fera rien au veau, ils sont sacrés ici.
Je me décide à quitter le quartier historique pour les grandes avenues et voir la ville. C'est magnifique tout ça mais j'ai envie de voir le quotidien des rues.
Je suis sûr que Katmandou n'est pas qu'offrandes et joie de vivre, ça reste une grande ville.
MASques
Beaucoup de personnes portent des masques anti-pollution, c’est impressionnant. Un besoin sûrement lié à la qualité de l'air ambiant mais aussi une mode, il en existe de différentes sortes et ça crée une contradiction ou une harmonie avec les habits que portent certains.
De tous les âges et milieux les gens se protègent.
Je commence par là mes photos mais certains ne sont pas d’accord pour se faire tirer le portrait. Je me prends parfois des portes sur plusieurs séries d’individus, j’ai honte après et je m’en vais, l’air de rien.
Aucun portrait frontal ici n’est volé.
De tous les âges et milieux les gens se protègent.
Je commence par là mes photos mais certains ne sont pas d’accord pour se faire tirer le portrait. Je me prends parfois des portes sur plusieurs séries d’individus, j’ai honte après et je m’en vais, l’air de rien.
Aucun portrait frontal ici n’est volé.
J’essaie d’abord de trouver un endroit qui me convient pour la lumière et le fond et ensuite j’arrête les passants qui m’intéressent.
Il y a moins de diversité ethnique et vestimentaire qu’à New Delhi mais voir ce phénomène de masques m’intrigue énormément.
J’ai du mal à photographier les femmes que je sens plus timides, et j’avoue que j’ai du mal à aller à leur rencontre.
C'est vraiment la ville, avec toutes ses contradictions.
Je vois pas mal de gosses des rues. Et j’ai l’impression que ça sniffe pas mal de colle ici. Des enfants sans parents, oubliés et qui font de même avec leur existence, l’oublier.
Cet après midi sur New Road un fantôme a frappé des passants, à un croisement une masse de gens curieuse et excitée se bouscule et bloque encore plus la circulation qu’elle ne l’était.
Je continue à dire bonjour aux gens.
Le vendeur de lunettes qui me raconte le pourquoi de l’attroupement ne croit pas à ce phénomène mais je n’aurai pas le fin mot de l’histoire. Des caméras de télévision sont là, cet après-midi sur New Road un fantôme a frappé des passants.
En Europe nous sommes le 16 Avril 2012, au Népal ils n’ont pas le même calendrier, ici nous sommes le 4 Avril 2069.
En Europe nous sommes le 16 Avril 2012, au Népal ils n’ont pas le même calendrier, ici nous sommes le 4 Avril 2069.
Même Dieu se repose parfois.
La FOURMILIÈRE
Je finis ma journée dans Thamel, le quartier touristique et marché populaire de Katmandou.
Les lumières sont bonnes pour faire des portraits et une foule de commerçants étalent ses marchandises. Je vois les porteurs circuler au milieu de tout cela, portant leur poids avec abnégation et transpirant à grosses gouttes.
Je trouve que tout le monde est très courageux ici et les gens travaillent énormément.
Je passe un moment dans une ruelle avec les enfants d’une boutique de vêtements. Je fais quelques photos pour les parents et pour m’amuser surtout.
Je passe un moment dans une ruelle avec les enfants d’une boutique de vêtements. Je fais quelques photos pour les parents et pour m’amuser surtout.
C’est un moment doux.
J’apprends que le chien a disparu le lendemain alors que je vais les revoir, ça m’ennuie pour l’enfant mais il a l’air d’être passé à autre chose. C’est pas plus mal.
Dur de retrouver son chemin dans toutes ces ruelles.
Devant un magasin d’hifi une bande de gamins m’accoste pour me taxer gentiment. Ils ont des sacs en plastique dans les mains, le regard hagard et ironique, des vapeurs de colle dans le cerveau. Je ne leur file rien et fais, encore, des photos. J'ai l'impression que c'est ma manière de me protéger.
Je leur promets de les imprimer et de les donner au magasin de hifi demain, qu’ils me fassent confiance et repassent les récupérer.
J’apprends que le chien a disparu le lendemain alors que je vais les revoir, ça m’ennuie pour l’enfant mais il a l’air d’être passé à autre chose. C’est pas plus mal.
Dur de retrouver son chemin dans toutes ces ruelles.
Devant un magasin d’hifi une bande de gamins m’accoste pour me taxer gentiment. Ils ont des sacs en plastique dans les mains, le regard hagard et ironique, des vapeurs de colle dans le cerveau. Je ne leur file rien et fais, encore, des photos. J'ai l'impression que c'est ma manière de me protéger.
Je leur promets de les imprimer et de les donner au magasin de hifi demain, qu’ils me fassent confiance et repassent les récupérer.
C’est sûrement mieux que de leur donner de l’argent pour qu’ils se bousillent les neurones mais ça ne sert à rien non plus.
Que faire ?
Des enfants qui n’ont ni parents, ni maison sont livrés à eux-mêmes et vivent en clans de larcin et mendicité. Comment recoller les morceaux de manière durable ? Rassurer une existence ? Quel sens donner à tout ça ?
Pourquoi je me pose ces questions, qu'est ce que je fais là ? Rien d'utile et d'original en tout cas.
Que faire ?
Des enfants qui n’ont ni parents, ni maison sont livrés à eux-mêmes et vivent en clans de larcin et mendicité. Comment recoller les morceaux de manière durable ? Rassurer une existence ? Quel sens donner à tout ça ?
Pourquoi je me pose ces questions, qu'est ce que je fais là ? Rien d'utile et d'original en tout cas.
Proximité
17 Avril 2012
Au petit matin je me lie d’amitié avec Lila qui vient des montagnes, il est guide et séjourne régulièrement à Katmandou pour trouver des clients intéressés par le trek, ce n’est pas dans mes projets mais cela ne le dérange pas et nous passons une heure à boire des thés, partager des bananes et à discuter. Il est bouddhiste et on se marre bien.
Nous parlons des caractères de l’homme, de nos vies, du billard et de l’équilibre des choses.
Au petit matin je me lie d’amitié avec Lila qui vient des montagnes, il est guide et séjourne régulièrement à Katmandou pour trouver des clients intéressés par le trek, ce n’est pas dans mes projets mais cela ne le dérange pas et nous passons une heure à boire des thés, partager des bananes et à discuter. Il est bouddhiste et on se marre bien.
Nous parlons des caractères de l’homme, de nos vies, du billard et de l’équilibre des choses.
J'apprends à cadrer à un enfant mais il n'écoute rien. Il a sûrement raison.
Je retrouve ensuite Jolann qui est frais par rapport à l’avant veille et ça me fait plaisir de le voir ainsi. Il est tôt, heureusement qu'il garde ses plaisirs coupables pour de plus sombres heures. Nous discutons, buvons le thé et je lui achète une statue de Shiva dansant.
Il se fait sa gratte donc il commence bien sa matinée et c’est cool. Une nouvelle journée commence.
Je retrouve ensuite Jolann qui est frais par rapport à l’avant veille et ça me fait plaisir de le voir ainsi. Il est tôt, heureusement qu'il garde ses plaisirs coupables pour de plus sombres heures. Nous discutons, buvons le thé et je lui achète une statue de Shiva dansant.
Il se fait sa gratte donc il commence bien sa matinée et c’est cool. Une nouvelle journée commence.
Je sors de Freak Street et rejoins la course.
En allant imprimer des photos je vois des mendiants assis par terre le long de la rue. Certains sollicitent de leurs membres valides les passants pressés, montrent leurs enfants ou leurs amputations pour ceux qui ont la chance d’en avoir, certains se laissent couler doucement dans l’oubli ou dorment sur le trottoir. Je vois ce gamin de 9 ans, sale et sans chaussures emmitouflé dans sa couette en plein soleil. Je le re-croise réveillé une demi-heure après et il veut voir les photos des jeunes de la veille que je viens de récupérer imprimées. Il me semble qu’il en reconnaît un. Il ne parle pas anglais. Lui aussi veut sa photo.
En allant imprimer des photos je vois des mendiants assis par terre le long de la rue. Certains sollicitent de leurs membres valides les passants pressés, montrent leurs enfants ou leurs amputations pour ceux qui ont la chance d’en avoir, certains se laissent couler doucement dans l’oubli ou dorment sur le trottoir. Je vois ce gamin de 9 ans, sale et sans chaussures emmitouflé dans sa couette en plein soleil. Je le re-croise réveillé une demi-heure après et il veut voir les photos des jeunes de la veille que je viens de récupérer imprimées. Il me semble qu’il en reconnaît un. Il ne parle pas anglais. Lui aussi veut sa photo.
Je ne sais pas à quoi cela va servir mais je clique. Son visage change par fraction.
En attendant l’impression devant le magasin photos, je reste avec lui assis par terre, voyant le tourbillon des gens et des motos aller et venir et je me sens noyé. Il me paraît tellement largué, comment peut-on continuer à vivre ainsi, perdu au milieu d’une grande ville, comment reprendre pied quand on a rien ?
Ces yeux sont vides et je retourne à l’hôtel chercher une pomme, de l’eau et de l’argent quand je reviens devant la boutique je le vois en train de sniffer de la colle. Il a honte et ça me déprime encore plus. Je lui donne la pomme et l’eau qu’il accepte, gêné. Les photos sont prêtes, je les lui tends, il les prend et m’en vais rapidement.
Je me sens tellement confus et triste. J’en veux pas mal à tous les vendeurs de rêve. La vie est cruelle, hasardeuse et inégale et je ne crois pas au karma. Il est beaucoup question de hasard. Je regarde les chaussures de marque et les publicités vantant le mérite individuel. La grande machine nous a dépassés, peut-être en-a-t-il toujours été ainsi.
Je me mets près d'une statue d'un Bouddha, à l'ombre, coincé entre une plante et un scooter et je n'arrête pas de chialer.
Je n'arrête pas de chialer.
Il est temps de bouger quand même, les gens me regardent et je ne sais même pas vraiment pourquoi je pleure. Je me sens coupable et tout ça est injuste. Pas pour moi, mais pour les autres. Je marche et un hurluberlu cosmique me colle un point sur le front, il veut une pièce en échange et moi je lui gueule dessus pour faire le change, c'est pas le moment. Je vais me nettoyer à l'hôtel. Après ça, ça va mieux, je sèche mes larmes et fais semblant de rien et puis j'avance et puis j'oublie.
Plus j'avance et plus j'oublie.
Ces yeux sont vides et je retourne à l’hôtel chercher une pomme, de l’eau et de l’argent quand je reviens devant la boutique je le vois en train de sniffer de la colle. Il a honte et ça me déprime encore plus. Je lui donne la pomme et l’eau qu’il accepte, gêné. Les photos sont prêtes, je les lui tends, il les prend et m’en vais rapidement.
Je me sens tellement confus et triste. J’en veux pas mal à tous les vendeurs de rêve. La vie est cruelle, hasardeuse et inégale et je ne crois pas au karma. Il est beaucoup question de hasard. Je regarde les chaussures de marque et les publicités vantant le mérite individuel. La grande machine nous a dépassés, peut-être en-a-t-il toujours été ainsi.
Je me mets près d'une statue d'un Bouddha, à l'ombre, coincé entre une plante et un scooter et je n'arrête pas de chialer.
Je n'arrête pas de chialer.
Il est temps de bouger quand même, les gens me regardent et je ne sais même pas vraiment pourquoi je pleure. Je me sens coupable et tout ça est injuste. Pas pour moi, mais pour les autres. Je marche et un hurluberlu cosmique me colle un point sur le front, il veut une pièce en échange et moi je lui gueule dessus pour faire le change, c'est pas le moment. Je vais me nettoyer à l'hôtel. Après ça, ça va mieux, je sèche mes larmes et fais semblant de rien et puis j'avance et puis j'oublie.
Plus j'avance et plus j'oublie.
Nanda Prasherel Banjara veut une photo pour mettre sur son CV, c'est toute une affaire pour lui parler sans connaître le népalais. Apparemment il bosse douze heures par jour assis sur sa chaise à protéger un immeuble minable dont tout le monde se fout. Il s'ennuie beaucoup et le temps passe. Tout ça ne lui plaît pas.
KAlimati
Je vais aller à Pokhara, je pense que ce sera plus paisible, j’ai vu des photos et on dirait qu’il y a plus de végétation. Il fera plus frais aussi, il y a un lac là-bas. Il y aura aussi sûrement moins de misère pour mon pauvre esprit, je me reposerai.
Ce sont six heures en bus pour rejoindre cette ville et j’aimerai y aller par le moyen le plus économique. Je voudrais voir les prix des bus locaux et la station de bus se trouve à Kalimati, à une bonne heure de marche de mon quartier.
Ce sont six heures en bus pour rejoindre cette ville et j’aimerai y aller par le moyen le plus économique. Je voudrais voir les prix des bus locaux et la station de bus se trouve à Kalimati, à une bonne heure de marche de mon quartier.
La balade est intéressante, le décor change constamment, il n’y a pas d’occidentaux et les locaux parlent moins l’anglais aussi. J’ai l’impression de sortir de la ville pour rejoindre un village.
Je rencontre un gay qui veut m’inviter à dîner en me caressant la main. Je parle avec un jeune porteur de vingt-cinq ans qui a des cicatrices sur les bras, a essayé de se suicider pas mal de fois, il aime le groupe Nirvana et déteste sa vie. Il me demande cent roupies mais je n’ai pas envie de lui filer et lorsque je lui demande ma route il m’indique la mauvaise direction. Je ne lui en veux pas.
Je squatte une grosse demi-heure dans un quartier résidentiel plutôt pérav’ avec une bande de loulous qui sentent l’alcool, ils se marrent et je suis là et je regarde et j’ai envie de partir mais j’attends qu’ils aient fini de satisfaire leur curiosité avec moi pour m’accompagner vers la bonne route.
Le chaos et le bourdonnement de la ville reprend brusquement sur une immense avenue où voitures, motos et pollution font leur grand retour. Je trouve qu’il y a une circulation de malade sur la route. Je retrouve des gamins du quartier résidentiel et ils font les cons mais en fait j'ai envie de paix.
Je rencontre un gay qui veut m’inviter à dîner en me caressant la main. Je parle avec un jeune porteur de vingt-cinq ans qui a des cicatrices sur les bras, a essayé de se suicider pas mal de fois, il aime le groupe Nirvana et déteste sa vie. Il me demande cent roupies mais je n’ai pas envie de lui filer et lorsque je lui demande ma route il m’indique la mauvaise direction. Je ne lui en veux pas.
Je squatte une grosse demi-heure dans un quartier résidentiel plutôt pérav’ avec une bande de loulous qui sentent l’alcool, ils se marrent et je suis là et je regarde et j’ai envie de partir mais j’attends qu’ils aient fini de satisfaire leur curiosité avec moi pour m’accompagner vers la bonne route.
Le chaos et le bourdonnement de la ville reprend brusquement sur une immense avenue où voitures, motos et pollution font leur grand retour. Je trouve qu’il y a une circulation de malade sur la route. Je retrouve des gamins du quartier résidentiel et ils font les cons mais en fait j'ai envie de paix.
J’ai envie de me protéger, je commence à en avoir marre de la grande ville.
J'ai l'impression d'être un extraterrestre dans ce bordel enfumé.
C'est quand que j'arrive quelque part ? Elle est où cette station de bus ?
En arrivant à Kalimati il commence à faire nuit et j’ai mis quatre heures pour faire l’heure de marche initiale. J’ai tellement traîné.
J’ai l’impression que je n’ai jamais vu un croisement aussi démesuré, gris et pollué. Il y a un passage au dessus et les gens profitent du spectacle des engins à moteurs qui se déchaînent. Beurk beurk beurk ! Tout autour les montagnes forment une cuvette avec des habitations partout. Je continue à chercher la station de bus.
Je demande mon chemin à un jeune et pendant qu’il me l’indique nous faisons connaissance. Je finis par squatter avec lui à boire un thé.
Il fait du rap, et à choisi comme nom Yama Buddha. Il a dix-huit ans, un peu d’acné et il veut être une star depuis tout gosse. C’est son rêve man, être la plus brillante des étoiles dans le monde entier. Il s’agite beaucoup et nous changeons constamment d’endroits, il adore le rap US et je suis largué.
J’ai l’impression que je n’ai jamais vu un croisement aussi démesuré, gris et pollué. Il y a un passage au dessus et les gens profitent du spectacle des engins à moteurs qui se déchaînent. Beurk beurk beurk ! Tout autour les montagnes forment une cuvette avec des habitations partout. Je continue à chercher la station de bus.
Je demande mon chemin à un jeune et pendant qu’il me l’indique nous faisons connaissance. Je finis par squatter avec lui à boire un thé.
Il fait du rap, et à choisi comme nom Yama Buddha. Il a dix-huit ans, un peu d’acné et il veut être une star depuis tout gosse. C’est son rêve man, être la plus brillante des étoiles dans le monde entier. Il s’agite beaucoup et nous changeons constamment d’endroits, il adore le rap US et je suis largué.
Il m’emmène au dessus de ce croisement dégueulasse, et ne tient pas en place, ses parents vivent à New-York mais lui préfère rester à Katmandou car c’est là que les choses se passent. «City of blood man». Il vit à l’hôtel payé par ces vieux et passe son temps à créer et composer des sons. Il ne comprend pas que je fume des Pilots et me dit de fumer des Surya. Je pense qu’il a raison sur ce point mais il me saoule quand même pour le reste. La plus brillante des étoiles man. Il est gentil mais casse-couilles. Je lui tire ma révérence, lui souhaite de réaliser son rêve, la nuit est bien tombée et la coupure de courant générale aussi.
Je prends un taxi, je n'aurais pas vu le prix des bus locaux.
Kalimati, belle affaire.
Je passe ma dernière journée à Katmandou dans les ruelles de Thamel, à faire des photos à la recherche de quelque chose à dire.
Kalimati, belle affaire.
Je passe ma dernière journée à Katmandou dans les ruelles de Thamel, à faire des photos à la recherche de quelque chose à dire.
Je compte sur le hasard.
En allant distribuer les photos de l'avant veille, je rencontre un groupe de jeunes dont l’un d’eux était avec la famille au petit chien et qui me reconnait.
On fait des photos et on se marre.
Je reste avec un pêcheur, l’un de ces potes parle anglais et me dit qu’il est un peu alcoolo. Lui me dit que lorsqu’il arrêtera de boire il refera de la musculation. Il sera vraiment costaud. Il a déjà éclaté la gueule à quatre types en même temps apparemment. Il me répète plusieurs fois son prénom : Shambu Chauderry.
Il aime bien la baston et la déconnade Shambu Chauderry.
Demain je m’en vais pour Pokhara, ça va me faire du bien de quitter la ville. J’ai vraiment aimé les rencontres que j’ai faites ici.
J'ai même trouvé un chouette coin pour acheter des statues de divinités à bon prix, grâce à Jolann.
Népal
POKHARA
Détente
19 Avril 2012
Je rejoins finalement Pokhara avec un bus touristique qui ne me coûte pas plus cher qu’un bus local, la plupart des locaux prenant aussi ces bus car plus rapides et confortables.
J’arrive au bord du lac à l’arrière de la moto du propriétaire d’un hôtel qui m’a cueilli, ravi à la sortie du bus. Je ne suis pas trop difficile en général pour suivre des rabatteurs quand j’ai besoin d’un hôtel. Je ne sais pas trop où je vais de toute façon donc autant compter sur le hasard. Tout est question de voir et négocier par la suite.
La chambre est spacieuse, aérée, pas chère, j’ai internet et de l’eau chaude. Lumineuse, propre, je peux même marcher pieds nus, c’est top ici. Fini la vie à la roots, je fais une lessive à la main et respire un grand coup. Je prends une douche dans la pièce illuminée, je me fous à poil sur le lit recouvert de draps blancs en regardant le plafond et je me dis que vraiment, la propreté a du bon.
Je sors alors que le soleil commence à se coucher. Je vais aller manger des chow-mein, des nouilles chinoises ou tibétaines, je ne sais plus trop d’où elles viennent mais je sais comment elles vont finir.
J’arrive au bord du lac à l’arrière de la moto du propriétaire d’un hôtel qui m’a cueilli, ravi à la sortie du bus. Je ne suis pas trop difficile en général pour suivre des rabatteurs quand j’ai besoin d’un hôtel. Je ne sais pas trop où je vais de toute façon donc autant compter sur le hasard. Tout est question de voir et négocier par la suite.
La chambre est spacieuse, aérée, pas chère, j’ai internet et de l’eau chaude. Lumineuse, propre, je peux même marcher pieds nus, c’est top ici. Fini la vie à la roots, je fais une lessive à la main et respire un grand coup. Je prends une douche dans la pièce illuminée, je me fous à poil sur le lit recouvert de draps blancs en regardant le plafond et je me dis que vraiment, la propreté a du bon.
Je sors alors que le soleil commence à se coucher. Je vais aller manger des chow-mein, des nouilles chinoises ou tibétaines, je ne sais plus trop d’où elles viennent mais je sais comment elles vont finir.
Les gens ont l’air bien peace ici.
La nuit je me fais une session de light painting sur le toit de l’hôtel. Ça faisait longtemps, je suis content d’être au calme et d’avoir de l’espace pour moi.
La nuit je me fais une session de light painting sur le toit de l’hôtel. Ça faisait longtemps, je suis content d’être au calme et d’avoir de l’espace pour moi.
Je me démultiplie. C'est le bordel mais whoo...ça me fait du bien.
DENNIS QUINN
20 Avril 2012
Je me repose et me lève tard. Détendu.
Je vais explorer un peu la ville mais j’ai surtout bien la dalle. Il est quatorze heures, je mange un coup, loue un vélo et me balade. Je ne fais pas de photos, j’en ferai ce soir. Pour l’instant je profite de la sortie. J’ai l’impression que Pokhara est scindée en deux, Lake side d’un coté pour les touristes avec son lot de commerces et restaurants et la ville des locaux de l’autre, plus sommaire, bétonnée et bon marché.
En fin d’après midi je vois au loin une apparition fantasmagorique et je ne peux m'empêcher de faire une photo.
Je me repose et me lève tard. Détendu.
Je vais explorer un peu la ville mais j’ai surtout bien la dalle. Il est quatorze heures, je mange un coup, loue un vélo et me balade. Je ne fais pas de photos, j’en ferai ce soir. Pour l’instant je profite de la sortie. J’ai l’impression que Pokhara est scindée en deux, Lake side d’un coté pour les touristes avec son lot de commerces et restaurants et la ville des locaux de l’autre, plus sommaire, bétonnée et bon marché.
En fin d’après midi je vois au loin une apparition fantasmagorique et je ne peux m'empêcher de faire une photo.
Je rencontre alors Dennis Quinn, un New Yorkais d’origine irlandaise qui vit à présent en Inde à l’année. Il passe quelque temps au Népal pour des questions administratives de visa puis retourne là-bas. Il est devenu sikh (une religion monothéiste indienne) et vit sa retraite dans un petit village au nord du pays.
Il m’explique qu’il refuse la «politique étrangère» des Etats-Unis et qu’il s’est donc exilé et fait la charité autour de lui. Il dépanne, il est riche. Enfin, avec sa retraite de chimiste américain, il l’est en Inde.
Il préfère prendre les autos-rickshaws que les vélos-rickshaws car pour lui un homme n’est pas un cheval.
Il me paie un repas et nous rigolons beaucoup. Dennis Quinn a la moitié du visage paralysé, il aime bien la viande de boeuf de temps en temps et surtout rigoler. C’est un bon vivant.
Il y a quelques jours il a pris un vieux sans abri sous son aile et s’est rendu compte que celui-ci avait des problèmes de vision. Maintenant il l’héberge à l’hôtel, dans sa chambre, et lui paie ses frais médicaux. Riche en Inde avec sa retraite américaine, il essaie de faire de bonnes choses autour de lui.
Dennis donne régulièrement des chaussures aux gosses de son village dans le besoin. Il se marre en repensant aux enfants qui le voient venir au loin, avec ses chaussures sous le bras, jetant les leurs et lui en demandant d’autres.
Il est vingt-deux heures alors que je le quitte, les jeunes gars de l’hôtel ont l’air de le trouver plutôt taré mais je ne m’inquiète pas pour lui. Ce sont eux qui médisent, lui voit très bien ce qu’il se passe.
Merci à toi Dennis Quinn.
Il m’explique qu’il refuse la «politique étrangère» des Etats-Unis et qu’il s’est donc exilé et fait la charité autour de lui. Il dépanne, il est riche. Enfin, avec sa retraite de chimiste américain, il l’est en Inde.
Il préfère prendre les autos-rickshaws que les vélos-rickshaws car pour lui un homme n’est pas un cheval.
Il me paie un repas et nous rigolons beaucoup. Dennis Quinn a la moitié du visage paralysé, il aime bien la viande de boeuf de temps en temps et surtout rigoler. C’est un bon vivant.
Il y a quelques jours il a pris un vieux sans abri sous son aile et s’est rendu compte que celui-ci avait des problèmes de vision. Maintenant il l’héberge à l’hôtel, dans sa chambre, et lui paie ses frais médicaux. Riche en Inde avec sa retraite américaine, il essaie de faire de bonnes choses autour de lui.
Dennis donne régulièrement des chaussures aux gosses de son village dans le besoin. Il se marre en repensant aux enfants qui le voient venir au loin, avec ses chaussures sous le bras, jetant les leurs et lui en demandant d’autres.
Il est vingt-deux heures alors que je le quitte, les jeunes gars de l’hôtel ont l’air de le trouver plutôt taré mais je ne m’inquiète pas pour lui. Ce sont eux qui médisent, lui voit très bien ce qu’il se passe.
Merci à toi Dennis Quinn.
Pas trop le goût de faire de grandes choses en light-painting ce soir, finalement, je suis fatigué.
Nous sommes justes des passagers.
PAIX
21 Avril 2012
Le lendemain je ne sais plus trop ce qu’il se passe, je me lève tôt et vais en vélo de partout.
Le lendemain je ne sais plus trop ce qu’il se passe, je me lève tôt et vais en vélo de partout.
Je fais des photos comme des prières, c'est ma façon de donner grâce à la vie.
Au loin les militaires marchent au pas et assurent l'ordre établi. Je les préfère loin de moi.
Ce sont les enfants les plus beaux, les plus vrais et les plus simples.
J'en rencontre beaucoup.
Je ne sais pas si l'on est aussi gracieux et aussi libre chez nous, chez nous les gens ont peur.
Je rigole bien avec les gamins, imprime et distribue les clichés aux parents. Tout ça en vélo c’est la classe, ça prend peu de temps. Certains parents me trouvent un peu bizarre aussi, qu'importe ça me fait plaisir.
Des vaches traversent la vie avec leur nonchalance bovine.
Elles s’adaptent à tout, l’autre fois elles mangeaient dans les parterres et un jeune gars est sorti en criant et leur a jeté des pierres. J’ai bien aimé l’action, elles sont parties sans trop se presser, lui ne s’énervant pas plus qu’il ne fallait, juste assez pour qu’elles partent..
Tu veux faire quoi contre ça ? Elles sont déjà bien gentilles de nous écouter.
Et je retrouve ici encore, les masques anti-pollution. Pourtant Pokhara me paraît bien moins polluée que Katmandou.
Mode ou utilité réelle ?
L'homme a dominé la nature, mais elle le lui rendra bien, je n'en doute pas une seconde.
Mode ou utilité réelle ?
L'homme a dominé la nature, mais elle le lui rendra bien, je n'en doute pas une seconde.
Les gens sont cool ça fait plaisir. Y’m font des bisous sur la bouche.
Je repars bientôt pour Bhaktapur près de Katmandou, j’ai encore du temps au Népal et je veux en profiter.
Pokhara est plutôt une ville pour les départs en treks et j’aimerai y revenir avec quelqu’un un jour et profiter de tout ça.
On verra bien.
Je repars bientôt pour Bhaktapur près de Katmandou, j’ai encore du temps au Népal et je veux en profiter.
Pokhara est plutôt une ville pour les départs en treks et j’aimerai y revenir avec quelqu’un un jour et profiter de tout ça.
On verra bien.
Népal
BHAKTAPUR
Addition
22 Avril 2012
« Située à une quinzaine de kilomètres à l’est de Kathmandu, c’est sans aucun doute la plus belle ville de la vallée. Bhaktapur a su conserver un aspect traditionnel fantastique, et la plupart des rues ont été pavées de briques comme jadis » Guide du routard 2012.
C’est pas faux, c’est très beau, je n’ai pas grand choses à ajouter. Je crois après coup que je n'ai pas su profiter de ces merveilles architecturales typiques. Enfin, parfois, on est moins disponible.
En tant qu’occidental il faut payer mille roupies népalaises pour avoir le droit de rentrer dans ce genre de ville-musée. Avec cette somme je vis trois jours tranquille ici, ce serait comme soixante euros chez nous en comparaison des prix, en fait ça en fait seulement neuf, au taux de change.
Je chope un hôtel pas cher, et vais traîner dans les ruelles sombres. A la vue d'une fumée qui s'échappe d'une porte entrebâillée je rentre dans une cave où ils servent nourriture et boisson. J'aime me dire que je vis comme un local et décide de manger ici. L'endroit est miteux, de tristes figures rechargent leurs batteries et s'alimentent. Je fais comme eux.
« Située à une quinzaine de kilomètres à l’est de Kathmandu, c’est sans aucun doute la plus belle ville de la vallée. Bhaktapur a su conserver un aspect traditionnel fantastique, et la plupart des rues ont été pavées de briques comme jadis » Guide du routard 2012.
C’est pas faux, c’est très beau, je n’ai pas grand choses à ajouter. Je crois après coup que je n'ai pas su profiter de ces merveilles architecturales typiques. Enfin, parfois, on est moins disponible.
En tant qu’occidental il faut payer mille roupies népalaises pour avoir le droit de rentrer dans ce genre de ville-musée. Avec cette somme je vis trois jours tranquille ici, ce serait comme soixante euros chez nous en comparaison des prix, en fait ça en fait seulement neuf, au taux de change.
Je chope un hôtel pas cher, et vais traîner dans les ruelles sombres. A la vue d'une fumée qui s'échappe d'une porte entrebâillée je rentre dans une cave où ils servent nourriture et boisson. J'aime me dire que je vis comme un local et décide de manger ici. L'endroit est miteux, de tristes figures rechargent leurs batteries et s'alimentent. Je fais comme eux.
J’avais l’impression d’être dans une carte postale un peu anachronique, en fin d'après midi après les six heures de bus depuis Pohkara. Les coupures de courant sont heureusement encore là, c’est toujours le Népal.
Je fais un peu de light painting le soir de mon arrivée mais tout seul dans la rue je ne suis pas à mon aise, entre les chiens errants et les ombres mouvantes de cette pénombre générale, j’ai toujours peur de me faire mordre ou attaquer par un fantôme. j’imagine qu’avec quelqu’un, on pourrait faire des trucs kiffants au Népal, surtout avec ces coupures d’électricité généralisées. Je pense à Quentin Bischoff.
Je fais un peu de light painting le soir de mon arrivée mais tout seul dans la rue je ne suis pas à mon aise, entre les chiens errants et les ombres mouvantes de cette pénombre générale, j’ai toujours peur de me faire mordre ou attaquer par un fantôme. j’imagine qu’avec quelqu’un, on pourrait faire des trucs kiffants au Népal, surtout avec ces coupures d’électricité généralisées. Je pense à Quentin Bischoff.
Je pense à Apolo aussi, mon chien de Suisse, ils sont marrants ici avec leurs statues de chiens comme divinités.
NEttoyage
23 Avril 2012
Je me lève au petit matin et comme toujours la ville se réveille tôt, il y a ce temple fabuleux de cinq toits de la place Taumadhi Tole, la tranquillité des petites villes où les gens vaquent à leurs occupations et blablablablabla.
Beaucoup de femmes s'occupent de nettoyer la ville des ordures de la veille.
C'est bien beau les offrandes, la religion, tout ça, mais sans un travail physique il n'y a rien qui soit propre, et ce sont elles qui s'en chargent.
Des gamins sans abris dorment ici la nuit, je les ai vus hier soir. Aujourd'hui ils voulaient me taxer pour acheter des "livres d'écoles". Demain cet endroit ne sera plus, alors que je repasse. Ce magnifique monument de bois ancestral et brinquebalant sera démonté jusqu'à l'année prochaine. Où iront-ils ?
Hier soir dans cette petite taverne je ne me rappelle pas ce que j’ai mangé mais j’ai gouté un alcool bizarroïde avec un gars.
Ma diarrhée commence donc ici, vers les treize heures. Je perds quasiment le reste de la journée à dormir et à me vider gentiment. Je commence aussi à moins supporter le confort minimum. Je guette les microbes qui m’entourent.
Ma diarrhée commence donc ici, vers les treize heures. Je perds quasiment le reste de la journée à dormir et à me vider gentiment. Je commence aussi à moins supporter le confort minimum. Je guette les microbes qui m’entourent.
En fin d'après-midi, je sors un peu voir ce qui se passe et me changer les idées mais c'est déjà la fin de la journée, je voulais sortir du centre historique et voir le reste.
Tant pis je vais retourner me coucher, c'est pas grave, dormir c'est bien et mes intestins veulent un trône.
Ennui
24 Avril 2012
Le lendemain ça va mieux, je visite plus en détail et profite des places. C'est beau et tout ça mais ça ne m'inspire pas grand-chose. Je veux rencontrer des gens mais je n'y arrive pas ici. C'est encore plus écrit "touriste" sur ma face que partout ailleurs, ça doit être lié au mille roupies qu'il faut débourser pour rentrer ici, ou alors je paranoïe comme souvent. En tous les cas je m'ennuie et il ne se passe pas grand chose. Je ne dois pas aller dans les bonnes rues.
Le lendemain ça va mieux, je visite plus en détail et profite des places. C'est beau et tout ça mais ça ne m'inspire pas grand-chose. Je veux rencontrer des gens mais je n'y arrive pas ici. C'est encore plus écrit "touriste" sur ma face que partout ailleurs, ça doit être lié au mille roupies qu'il faut débourser pour rentrer ici, ou alors je paranoïe comme souvent. En tous les cas je m'ennuie et il ne se passe pas grand chose. Je ne dois pas aller dans les bonnes rues.
Je passe un bon moment avec un petit chat, attaché à une planche de bois par une corde très courte. Il me fait un peu de la peine, mais il est joueur et perd une de ces dents de lait dans ma main, je pense qu'il est content d'avoir de la compagnie et moi aussi. Je regarde les passants en le caressant, il ronronne et ça me fait du bien.
Il y a trop de chiens ici et pas assez de chats. Ils portent malheur paraît-il. Moi en tous les cas la nuit, je les préférerais. Enfin je ne sais pas, ce seraient peut être des enflures aussi, en bande, ils nous attaqueraient en nous griffant les yeux, sûrement. Ça ferait flipper. Saloperie d'animaux.
Il y a trop de chiens ici et pas assez de chats. Ils portent malheur paraît-il. Moi en tous les cas la nuit, je les préférerais. Enfin je ne sais pas, ce seraient peut être des enflures aussi, en bande, ils nous attaqueraient en nous griffant les yeux, sûrement. Ça ferait flipper. Saloperie d'animaux.
Je regarde ce cochon griller à même le sol et je me dis que quand même, des fois, ils sont vachement sympas.
J’ai l’impression d’être dans un décor de western, je m’ennuie ici.
Midi, il ne me reste que deux jours dans le pays, j'ai l'impression d'avoir fait le tour de la ville et je sais pas trop, ça me gave cet endroit, je vais partir et tant pis pour les mille roupies.
Ciao Bhaktapur, je suis bien content d'être un touriste et pouvoir tracer de là.
Midi, il ne me reste que deux jours dans le pays, j'ai l'impression d'avoir fait le tour de la ville et je sais pas trop, ça me gave cet endroit, je vais partir et tant pis pour les mille roupies.
Ciao Bhaktapur, je suis bien content d'être un touriste et pouvoir tracer de là.
BAck to freak street
Je retourne à ma chambre de la rue Freak street, vais dans la boutique de gros que m'a conseillé Jolann et prend des statues de divinités hindoues qui me font triper, ailleurs je chope un jeans, un short, des caleçons. Youhoo !! j'ai plein de sapes maintenant, un vrai roi. Je n’ai rien acheté quasiment depuis que je suis parti, il est temps que je profite des prix népalais avant de partir.
Le soir en rentrant dans une épicerie pour acheter de l’eau, je me fais inviter par un gars à lui tenir compagnie en buvant des bières. Si je suis un peu gêné au début je prends vite le pli et m’amuse beaucoup, on reste une heure ou deux ensemble à dire des conneries et picoler. Il abuse totalement avec le vendeur qui reste d’un calme et d’une patience rare. Nous fumons dans le magasin et mon compagnon du moment paie et repaie ses tournées. Il a sûrement un peu de sous, car c'est lui qui paie les bières, pas données en comparaison du prix de la nourriture. Ah! ça fait plaisir Kathmandou ! Je me suis bien marré ce soir, c'est ça qu'il me fallait.
Le lendemain, je dis au revoir à Shital Devkota que j'avais rencontré dans mes premiers jours dans la capitale népalaise, un copain vendeur de sapes du quartier d'à coté, et j'apprends toutes les infos dont lui et ses potes veulent me faire part : que je ressemble à l’acteur indien Hritik Roshan (ou qu'ils en sont fans car je ne vois pas bien la ressemblance), le nom d’un médicament qui rend heureux (proxyvon), les insanités de base en népalais et qu’ils seraient bien nés en Amérique s’ils avaient eu le choix.
Ici, ailleurs, la même partout. Peut-être.
Le soir en rentrant dans une épicerie pour acheter de l’eau, je me fais inviter par un gars à lui tenir compagnie en buvant des bières. Si je suis un peu gêné au début je prends vite le pli et m’amuse beaucoup, on reste une heure ou deux ensemble à dire des conneries et picoler. Il abuse totalement avec le vendeur qui reste d’un calme et d’une patience rare. Nous fumons dans le magasin et mon compagnon du moment paie et repaie ses tournées. Il a sûrement un peu de sous, car c'est lui qui paie les bières, pas données en comparaison du prix de la nourriture. Ah! ça fait plaisir Kathmandou ! Je me suis bien marré ce soir, c'est ça qu'il me fallait.
Le lendemain, je dis au revoir à Shital Devkota que j'avais rencontré dans mes premiers jours dans la capitale népalaise, un copain vendeur de sapes du quartier d'à coté, et j'apprends toutes les infos dont lui et ses potes veulent me faire part : que je ressemble à l’acteur indien Hritik Roshan (ou qu'ils en sont fans car je ne vois pas bien la ressemblance), le nom d’un médicament qui rend heureux (proxyvon), les insanités de base en népalais et qu’ils seraient bien nés en Amérique s’ils avaient eu le choix.
Ici, ailleurs, la même partout. Peut-être.
La nuit, je fais du lightpainting sur une peinture de ma chambre et en haut de l’hôtel, restant éveillé jusqu’à 4 heures du mat’ à gigoter sur la terrasse du toit avec mes lampes et comme d'habitude, ça me fait le plus grand bien.
La peinture ici représente Shiva, l'un des principaux dieux hindous, dansant sur le nain démoniaque symbole de l'ignorance. Bon, j'ai un peu abusé hein, mais il faut se faire plaisir aussi, c'est moi le dieu de ma vie.
Demain je retourne en Inde, retrouver les om nama shivaya et compagnie.
Pendant ce temps-là, j'entends encore des chiens qui aboient en bas dans la rue, et je me dis qu’ils sont vraiment les rois la nuit, vivant entre eux sans les humains, regroupés en meute et quadrillant le périmètre pour protéger leur quartier des autres bandes. Je vois une chienne blanche, couchée, reine au milieu des autres canidés qui l’entourent, alerte, surveillant les alentours et agressant les intrus. Très bien organisés en fait, différents du jour, alors nonchalants et évitant voitures et coups de pied. La nuit c'est autre chose, la nuit ils sont chez eux.
Les bâtards.
Pendant ce temps-là, j'entends encore des chiens qui aboient en bas dans la rue, et je me dis qu’ils sont vraiment les rois la nuit, vivant entre eux sans les humains, regroupés en meute et quadrillant le périmètre pour protéger leur quartier des autres bandes. Je vois une chienne blanche, couchée, reine au milieu des autres canidés qui l’entourent, alerte, surveillant les alentours et agressant les intrus. Très bien organisés en fait, différents du jour, alors nonchalants et évitant voitures et coups de pied. La nuit c'est autre chose, la nuit ils sont chez eux.
Les bâtards.
Inde
BENARÈS
BOOm !
26 Avril 2012
Á ma sortie de l’avion j’ai l’impression que ma peau grille doucement, l’air est chaud, lourd et sadique, je n’ai jamais ressenti ça.
J'ai comme l’impression d'avoir le visage scotché au moteur de l'avion, en train de décoller. Non, il vient pourtant d'atterrir, j'en suis sortie à l'instant et tout est éteint, c’est juste qu’il est quinze heures et qu’il fait très chaud, ça bout ici en cette fin d’avril 2012 à Bénarès en Inde. Il doit faire au moins huit cents degrés sur la piste d'atterrissage ce qui est beaucoup comme vous pouvez l’imaginer. Je pense à Loic Ratton et ses allées et venues en Afrique. Gloire à toi mon frère. J'en crèverai.
Comment ça ! Il n’y a pas de bus pour rejoindre la ville ? C’est n’importe quoi. Je suis obligé de prendre un taxi à six cents roupies (environ dix euros) pour parvenir aux bords du Gange, dans le centre. Personne autour de moi pour diviser les frais, je suis donc bien obligé de payer tou ça seul. Je monte quand même dans une Ambasador, un véhicule anglais des années cinquante et ça, ça me fait bien plaisir.
Quand le jeune conducteur slalome entre les autos-rickshaws, les piétons, les camions, les autres engins à moteurs, évitant les vendeurs ambulants sur le bord de la route tout en klaxonnant comme un forcené afin de «communiquer» avec les autres "usagers de la route" (comme on dit chez nous, hein), je me crispe et croise les doigts tout en sachant que ça ne sert à rien. J’ai l’impression qu’en Inde freiner est synonyme de faiblesse. Je sens bien la lourdeur de la construction du véhicule et que les freins auront du mal à le stopper à pleine vitesse. Je ne profite pas du tout du voyage et m’en remet - encore - au hasard. Le chauffeur aussi apparemment car il ne sait pas où il va et demande son chemin à maintes reprises lorsque l’on quitte les grands axes pour rejoindre la ville où il n’aura plus l’occasion des slaloms et contresens à fond la caisse. C’est déjà pas mal, je suis bien content d’être aggloméré avec d’autres, ça nous évitera les collisions. Seul reste le doux braillement des klaxons, me martelant la réalité de la circulation ici. J’ai l’impression qu’il débute dans le métier, c’est pas bien grave et il fait de son mieux. Je transpire à grosses gouttes mais moins que lui ce qui n’est pas pour me rassurer. Je vous ai dit qu’il faisait chaud hein? Mais la transpiration n’est pas due qu’à la chaleur c’est juste le putain-de-bordel ici, whoo !
Á mon arrivée, quelque part au milieu d’une foule compacte, il n’a pas la monnaie sur mille et le trajet me revient donc à sept cent quarante roupies. Je commence déjà à être saoulé.
Dans cette foule pressée, un jeune gars me propose de m’emmener à mon hôtel en regardant sur ma carte. Après quelques minutes de marche il me fait voir le Gange avec un bel enthousiasme, l’endroit est affreux et je n’en ai rien à secouer pour le moment. J’en ai marre du chaud, marre de mes deux sacs à dos remplis, marre de mon corps transpirant et de mon esprit agité et marre des escrocs qui, déjà, m’entourent. Il ne sait pas où est mon hôtel en fait, croyait que je voulais juste voir le Gange. Le jeune gars est guide et se fout de ma gueule avec politesse, il cherche seulement un client. Je crois que là je lui gueule dessus. Son taf n'est pas des plus évidents, ça dépend sur qui on tombe et surtout à quel moment. A ce moment là, en toute franchise, je commence à être VRAIMENT saoulé mais je vous l’ai déjà dit.
J’ai chaud, ne suis pas de bonne humeur mais je me contiens à peu près et accepte la chambre qu’il me propose au Puja Gest House, elle est pas chère et propre. L’hôtel est moche comme tout et je ne sais pas où je suis mais tant pis. Je m’en veux d’avoir été désagréable avec ce gars et lui propose que nous partagions un thé dehors.
J'ai comme l’impression d'avoir le visage scotché au moteur de l'avion, en train de décoller. Non, il vient pourtant d'atterrir, j'en suis sortie à l'instant et tout est éteint, c’est juste qu’il est quinze heures et qu’il fait très chaud, ça bout ici en cette fin d’avril 2012 à Bénarès en Inde. Il doit faire au moins huit cents degrés sur la piste d'atterrissage ce qui est beaucoup comme vous pouvez l’imaginer. Je pense à Loic Ratton et ses allées et venues en Afrique. Gloire à toi mon frère. J'en crèverai.
Comment ça ! Il n’y a pas de bus pour rejoindre la ville ? C’est n’importe quoi. Je suis obligé de prendre un taxi à six cents roupies (environ dix euros) pour parvenir aux bords du Gange, dans le centre. Personne autour de moi pour diviser les frais, je suis donc bien obligé de payer tou ça seul. Je monte quand même dans une Ambasador, un véhicule anglais des années cinquante et ça, ça me fait bien plaisir.
Quand le jeune conducteur slalome entre les autos-rickshaws, les piétons, les camions, les autres engins à moteurs, évitant les vendeurs ambulants sur le bord de la route tout en klaxonnant comme un forcené afin de «communiquer» avec les autres "usagers de la route" (comme on dit chez nous, hein), je me crispe et croise les doigts tout en sachant que ça ne sert à rien. J’ai l’impression qu’en Inde freiner est synonyme de faiblesse. Je sens bien la lourdeur de la construction du véhicule et que les freins auront du mal à le stopper à pleine vitesse. Je ne profite pas du tout du voyage et m’en remet - encore - au hasard. Le chauffeur aussi apparemment car il ne sait pas où il va et demande son chemin à maintes reprises lorsque l’on quitte les grands axes pour rejoindre la ville où il n’aura plus l’occasion des slaloms et contresens à fond la caisse. C’est déjà pas mal, je suis bien content d’être aggloméré avec d’autres, ça nous évitera les collisions. Seul reste le doux braillement des klaxons, me martelant la réalité de la circulation ici. J’ai l’impression qu’il débute dans le métier, c’est pas bien grave et il fait de son mieux. Je transpire à grosses gouttes mais moins que lui ce qui n’est pas pour me rassurer. Je vous ai dit qu’il faisait chaud hein? Mais la transpiration n’est pas due qu’à la chaleur c’est juste le putain-de-bordel ici, whoo !
Á mon arrivée, quelque part au milieu d’une foule compacte, il n’a pas la monnaie sur mille et le trajet me revient donc à sept cent quarante roupies. Je commence déjà à être saoulé.
Dans cette foule pressée, un jeune gars me propose de m’emmener à mon hôtel en regardant sur ma carte. Après quelques minutes de marche il me fait voir le Gange avec un bel enthousiasme, l’endroit est affreux et je n’en ai rien à secouer pour le moment. J’en ai marre du chaud, marre de mes deux sacs à dos remplis, marre de mon corps transpirant et de mon esprit agité et marre des escrocs qui, déjà, m’entourent. Il ne sait pas où est mon hôtel en fait, croyait que je voulais juste voir le Gange. Le jeune gars est guide et se fout de ma gueule avec politesse, il cherche seulement un client. Je crois que là je lui gueule dessus. Son taf n'est pas des plus évidents, ça dépend sur qui on tombe et surtout à quel moment. A ce moment là, en toute franchise, je commence à être VRAIMENT saoulé mais je vous l’ai déjà dit.
J’ai chaud, ne suis pas de bonne humeur mais je me contiens à peu près et accepte la chambre qu’il me propose au Puja Gest House, elle est pas chère et propre. L’hôtel est moche comme tout et je ne sais pas où je suis mais tant pis. Je m’en veux d’avoir été désagréable avec ce gars et lui propose que nous partagions un thé dehors.
Shiva
Nous passons deux heures à parler de la vie ici, du travail, de nos cultures et aussi de religion, nous échangeons nos problèmes et je suis complètement abasourdi par l’étincelle enflammée de ces yeux lorsqu’il parle de Shiva. On sent le feu qui brûle en lui, la dureté de sa vie.
Shiva ? Vous connaissez ? Le terrible Dieu bleu au troisième œil fermé dans l’attente de la destruction totale, le fleuve du Gange puise sa source dans sa chevelure. Shiva a en général 4 bras et 62 incarnations. Ses activités principales sont la création, la conservation, la destruction, l’incarnation et la délivrance. Bénarès, ville sacrée d’Inde par excellence est sous son joug, des tridents ornent les temples, symbole phallique de son pouvoir guerrier.
Mon interlocuteur est passionné lorsqu’il me parle de ses coutumes religieuses, de sa recherche de bénédiction, des règles strictes qu’il applique conformément à son guru, son maître spirituel qui lui apprend la discipline afin de plaire aux dieux et s’attirer leur clémence. Il me dit que je ne suis sûrement pas là par hasard, que j’ai une mission ici-bas comme chacun et que cette ville est propice aux réalisations spirituelles. Il me dit qu’il peut m’apprendre à être quelqu’un de bien sous l’Œil des Dieux. Il m’enseigne un mantra (série de syllabes répétées de nombreuses fois suivant un rythme) à la gloire de Shiva (om namah shivaya) et certaines choses utiles : qu’il faut se lever en regardant l’intérieur de la paume de ses mains avant toutes autres choses car c’est ici que réside notre force et le fait que l’eau glacée est néfaste pour l'organisme. Il me conseille d’aller voir un guru nommé Baba Ji afin qu’il m’aide dans mes difficultés. Je me rappelle certains soucis et dans cette ambiance sacrée je suis touché, je me sens tellement fragile. Je lui dis pourtant que je suis athée, que je ne crois pas aux dogmes religieux, à ces Dieux réglés comme du papier à musique et je sens alors son mépris. Une certaine distance avec le sujet de la religion s’impose alors et nous parlons d’autre chose. Il préfère rester seul pour affronter le poids de son karma, comment faire avec d’autres qui ont aussi leurs problèmes ? Son père est mort durant son adolescence et c’est maintenant lui qui ramène de l’argent à sa mère. Il a vingt-trois ans, a abandonné la fille qu’il aime car il ne pense pas qu’il pourra lui offrir quoi que ce soit. Content d’être né à Bénarès même s’il n’aime pas sa vie car il n’aura plus à subir le cycle des réincarnations, seulement à prier et à se faire incinérer à sa mort puis jeter dans le Gange. C'est ainsi que l'on atteint le nirvana, la cessation du devenir, le Gange permet de clore le cycle des réincarnations et donc d'atteindre le paradis des hindous.
« Tu crois que les gens d’ici sont stupides ? » me dit-il à maintes reprises, « Que tout ça n’a aucun sens ? ». Je ne sais pas trop de quoi il parle, vois un peu où il veut en venir mais je ne me suis pas encore posé la question à ce moment-là. J’ai l’impression d’avoir tellement de choses à découvrir dans cette ville qui m’a l’air d’une ferveur religieuse comme jamais je n’ai vu...
Il se fait tard et nous nous quittons, je lui dis de passer me prendre demain à l’hôtel pour qu’il soit mon guide, j’ai vraiment apprécié nos conversations et la rage qui brûle en lui.
Shiva ? Vous connaissez ? Le terrible Dieu bleu au troisième œil fermé dans l’attente de la destruction totale, le fleuve du Gange puise sa source dans sa chevelure. Shiva a en général 4 bras et 62 incarnations. Ses activités principales sont la création, la conservation, la destruction, l’incarnation et la délivrance. Bénarès, ville sacrée d’Inde par excellence est sous son joug, des tridents ornent les temples, symbole phallique de son pouvoir guerrier.
Mon interlocuteur est passionné lorsqu’il me parle de ses coutumes religieuses, de sa recherche de bénédiction, des règles strictes qu’il applique conformément à son guru, son maître spirituel qui lui apprend la discipline afin de plaire aux dieux et s’attirer leur clémence. Il me dit que je ne suis sûrement pas là par hasard, que j’ai une mission ici-bas comme chacun et que cette ville est propice aux réalisations spirituelles. Il me dit qu’il peut m’apprendre à être quelqu’un de bien sous l’Œil des Dieux. Il m’enseigne un mantra (série de syllabes répétées de nombreuses fois suivant un rythme) à la gloire de Shiva (om namah shivaya) et certaines choses utiles : qu’il faut se lever en regardant l’intérieur de la paume de ses mains avant toutes autres choses car c’est ici que réside notre force et le fait que l’eau glacée est néfaste pour l'organisme. Il me conseille d’aller voir un guru nommé Baba Ji afin qu’il m’aide dans mes difficultés. Je me rappelle certains soucis et dans cette ambiance sacrée je suis touché, je me sens tellement fragile. Je lui dis pourtant que je suis athée, que je ne crois pas aux dogmes religieux, à ces Dieux réglés comme du papier à musique et je sens alors son mépris. Une certaine distance avec le sujet de la religion s’impose alors et nous parlons d’autre chose. Il préfère rester seul pour affronter le poids de son karma, comment faire avec d’autres qui ont aussi leurs problèmes ? Son père est mort durant son adolescence et c’est maintenant lui qui ramène de l’argent à sa mère. Il a vingt-trois ans, a abandonné la fille qu’il aime car il ne pense pas qu’il pourra lui offrir quoi que ce soit. Content d’être né à Bénarès même s’il n’aime pas sa vie car il n’aura plus à subir le cycle des réincarnations, seulement à prier et à se faire incinérer à sa mort puis jeter dans le Gange. C'est ainsi que l'on atteint le nirvana, la cessation du devenir, le Gange permet de clore le cycle des réincarnations et donc d'atteindre le paradis des hindous.
« Tu crois que les gens d’ici sont stupides ? » me dit-il à maintes reprises, « Que tout ça n’a aucun sens ? ». Je ne sais pas trop de quoi il parle, vois un peu où il veut en venir mais je ne me suis pas encore posé la question à ce moment-là. J’ai l’impression d’avoir tellement de choses à découvrir dans cette ville qui m’a l’air d’une ferveur religieuse comme jamais je n’ai vu...
Il se fait tard et nous nous quittons, je lui dis de passer me prendre demain à l’hôtel pour qu’il soit mon guide, j’ai vraiment apprécié nos conversations et la rage qui brûle en lui.
LA crémation
À l’hôtel je rencontre Moshe, un israélien de vingt-sept ans qui a terminé son service militaire comme aide-soignant dans les batailles. Il a choisi de voyager comme la plupart des Israéliens à la fin de leur service obligatoire de trois ans (un an pour les femmes), pour se laver le cerveau. Grand, il porte des lunettes, un visage sympathique, connaît le krav maga (l’art martial de défense israelien, l’un des plus meurtrier du monde, adopté par le mossad) et cette ville... lui fout les jetons.
Notre hôtel est à coté de la crémation, de la flamme qui brûle les corps, la flamme de Shiva, qui ne s’est pas éteinte depuis des millénaires. Un hindou se doit de mourir incinéré puis ses cendres sont jetées dans le Gange, comme je vous l’ai dit plus tôt. C’est donc une institution ici, Bénarès est la ville de la mort pour les Hindous, c’est ici que ça doit se terminer pour les plus religieux, qui doivent finir incinérés puis être dispersés dans le fleuve. Un corps met 3h30 à brûler, il reste beaucoup de cendres, les hanches pour les femmes et une partie du plexus solaire pour les hommes. Exception faite pour les lépreux, les bébés, les femmes enceintes et les victimes de morsure de cobra car tous sont déjà purs, leurs corps sont directement lestés et disparaissent dans la rivière sans passer par la case «feu sacré». Certains, mal ficelés, flotteront à la surface en attente de décomposition pour un dernier voyage aquatique, où charognards, poissons et chiens aideront à leur disparition. L’esprit part enfin pour le nirvana. L'hôtel est donc juste là, à coté de cet endroit, de la crémation.
Cet après-midi, Moshe est allé dans cette zone où il est interdit de prendre des photos et il a sorti son appareil pour faire une image de pot de fleur. C’était bête je pense. Des indiens l’ont entouré, une vingtaine de personnes armées de bâtons et lui ont réclamé quatre cents euros. Il n’avait pas d’argent et il a eu très peur car il a vu dans leurs yeux qu’ils ne plaisantaient pas. Heureusement qu’il n’avait pas d’argent sur lui, les racketteurs l’ont donc laissé partir sans rien payer en lui disant de ne plus revenir ici. Moshe me raconte cela avec honte. Le business n’a pas de limite, le voyeurisme non plus. Á qui la faute ? De mon coté j'éviterai l'endroit, ça ne me concerne pas la fin de la vie des gens.
Après avoir bu un coca en terrasse je lui suggère d’aller faire un tour dehors mais notre hôtelier nous déconseille de sortir après vingt-trois heures, beaucoup de gens se sont fait voler ou pire encore. Cette zone est malfamée. Le chat noir à l’entrée du Puja Gest House paraît apeuré et s’enfuit alors que je tends ma main vers lui.
Moshe est arrivé avant hier à New Delhi, aujourd’hui il est à Bénarès et demain il repartira de cette ville car elle le terrifie, il veut passer de bons moments, pas flipper pour sa vie. Je pense que je vais prendre le temps de m’en imprégner avant de me faire une opinion arrêtée mais c’est vrai qu’il règne une ambiance particulière ici.
Notre hôtel est à coté de la crémation, de la flamme qui brûle les corps, la flamme de Shiva, qui ne s’est pas éteinte depuis des millénaires. Un hindou se doit de mourir incinéré puis ses cendres sont jetées dans le Gange, comme je vous l’ai dit plus tôt. C’est donc une institution ici, Bénarès est la ville de la mort pour les Hindous, c’est ici que ça doit se terminer pour les plus religieux, qui doivent finir incinérés puis être dispersés dans le fleuve. Un corps met 3h30 à brûler, il reste beaucoup de cendres, les hanches pour les femmes et une partie du plexus solaire pour les hommes. Exception faite pour les lépreux, les bébés, les femmes enceintes et les victimes de morsure de cobra car tous sont déjà purs, leurs corps sont directement lestés et disparaissent dans la rivière sans passer par la case «feu sacré». Certains, mal ficelés, flotteront à la surface en attente de décomposition pour un dernier voyage aquatique, où charognards, poissons et chiens aideront à leur disparition. L’esprit part enfin pour le nirvana. L'hôtel est donc juste là, à coté de cet endroit, de la crémation.
Cet après-midi, Moshe est allé dans cette zone où il est interdit de prendre des photos et il a sorti son appareil pour faire une image de pot de fleur. C’était bête je pense. Des indiens l’ont entouré, une vingtaine de personnes armées de bâtons et lui ont réclamé quatre cents euros. Il n’avait pas d’argent et il a eu très peur car il a vu dans leurs yeux qu’ils ne plaisantaient pas. Heureusement qu’il n’avait pas d’argent sur lui, les racketteurs l’ont donc laissé partir sans rien payer en lui disant de ne plus revenir ici. Moshe me raconte cela avec honte. Le business n’a pas de limite, le voyeurisme non plus. Á qui la faute ? De mon coté j'éviterai l'endroit, ça ne me concerne pas la fin de la vie des gens.
Après avoir bu un coca en terrasse je lui suggère d’aller faire un tour dehors mais notre hôtelier nous déconseille de sortir après vingt-trois heures, beaucoup de gens se sont fait voler ou pire encore. Cette zone est malfamée. Le chat noir à l’entrée du Puja Gest House paraît apeuré et s’enfuit alors que je tends ma main vers lui.
Moshe est arrivé avant hier à New Delhi, aujourd’hui il est à Bénarès et demain il repartira de cette ville car elle le terrifie, il veut passer de bons moments, pas flipper pour sa vie. Je pense que je vais prendre le temps de m’en imprégner avant de me faire une opinion arrêtée mais c’est vrai qu’il règne une ambiance particulière ici.
RENCONTRES
27 Avril 2012
Je me lève tôt, vers les six heures et demi, mon compagnon Moshe et moi partons sur le Gange en bateau, c’est très beau, le soleil est déjà haut dans le ciel de ce coté du monde. La lumière est douce sur les ghats (allées de marches) qui donnent accès au fleuve, il y a une densité de détails très divers, de couleurs et d’architectures qui me font voyager dans le temps. La partie crématoire avec ses couleurs ocre, rouge et cendre m'impressionne beaucoup. Les gens se purifient dans l’eau, l’heure est aux pujas (prière et bénédiction payante), à l’ouverture des échoppes et à la quête aux pièces pour les mendiants.
Nous rentrons à l’hôtel, je dis au revoir à Moshe qui prend le train tout à l’heure, je retrouve mon guide et nous partons en balade dans le quartier. Le feeling n’est plus là pour moi mais je le laisse faire, nous visitons des temples et je me rends compte que j’aurais préféré marcher seul. Il me montre comment prier, je m'exécute mais je ne le sens pas. Tout va trop vite, je n’apprends pas grand chose de particulier et à la fin des deux heures il me demande mille roupies. Sur le cul je lui demande s’il trouve ça normal, il me répond qu’il compte aussi le temps passé ensemble hier soir, pour nos conversations. Il me dit de lui donner ce qui me semble juste. Je le déteste tellement à présent que je préfère lui donner ce qu’il demande en lui disant merci pour tout. Quand je ne crois en quelqu'un je vais toujours dans son sens et je m'en vais. Je ne pensais pas que l’on pouvait monnayer jusque là. Plus jamais me dis-je. Encore une fois, j’apprends. Á mon retour à l’hôtel des singes sont collés à la grille de ma fenêtre, ils tendent la main pour me voler des trucs. On veut tout me piquer ici.
Incredible fucking India.
Je chie mou, me lave les fesses, prend mon appareil photo et sort.
Nous rentrons à l’hôtel, je dis au revoir à Moshe qui prend le train tout à l’heure, je retrouve mon guide et nous partons en balade dans le quartier. Le feeling n’est plus là pour moi mais je le laisse faire, nous visitons des temples et je me rends compte que j’aurais préféré marcher seul. Il me montre comment prier, je m'exécute mais je ne le sens pas. Tout va trop vite, je n’apprends pas grand chose de particulier et à la fin des deux heures il me demande mille roupies. Sur le cul je lui demande s’il trouve ça normal, il me répond qu’il compte aussi le temps passé ensemble hier soir, pour nos conversations. Il me dit de lui donner ce qui me semble juste. Je le déteste tellement à présent que je préfère lui donner ce qu’il demande en lui disant merci pour tout. Quand je ne crois en quelqu'un je vais toujours dans son sens et je m'en vais. Je ne pensais pas que l’on pouvait monnayer jusque là. Plus jamais me dis-je. Encore une fois, j’apprends. Á mon retour à l’hôtel des singes sont collés à la grille de ma fenêtre, ils tendent la main pour me voler des trucs. On veut tout me piquer ici.
Incredible fucking India.
Je chie mou, me lave les fesses, prend mon appareil photo et sort.
Au milieu des ruelles étroites, entre vaches sacrées faisant les poubelles et mendiants unijambistes, l’odeur de déjections est mêlée à celles des encens. À chaque temple une cloche est présente et résonne sous l’effet d’un passant qui, immanquablement, salue son Dieu. Ils sont innombrables en Inde. Les visages sont durs et l’espace restreint. On se bouscule, s’arrête, se croise, s’assied ou s’interpelle.
J’enjambe tout ça, à moins que ce ne soit l’inverse.
J’enjambe tout ça, à moins que ce ne soit l’inverse.
Ça ne va pas être facile ici, je commence à comprendre.
Je rencontre Adrien, un français anthropologue de vingt-six ans qui fait sa thèse sur les pêcheurs du Gange. Ça fait quatre ans qu’il vit en Inde et Bénarès est sa ville préférée. De mon coté j’ai besoin de me lamenter sur la ville, sur ces visages austères que je vois partout, cette violence sous-jacente, et le business omniprésent. Il me rassure sur mes sentiments, me parle de l’inflation, des prix qui augmentent sans cesse en ce moment, du fait que l’Inde n’est pas un pays apaisé et qu’il n’y a qu’à lire son histoire pour le comprendre. Il n’hésite pas à jouer des bras lorsqu’il marche dans la rue et à avoir de « l’attitude ». Bon, tout va bien alors, c’est ce que je percevais. Il faut faire gaffe ici et aller de l'avant. C’est pourtant au milieu de tout ça qu’il trouve le plus d’échanges et d’humanité.
Je rencontre Adrien, un français anthropologue de vingt-six ans qui fait sa thèse sur les pêcheurs du Gange. Ça fait quatre ans qu’il vit en Inde et Bénarès est sa ville préférée. De mon coté j’ai besoin de me lamenter sur la ville, sur ces visages austères que je vois partout, cette violence sous-jacente, et le business omniprésent. Il me rassure sur mes sentiments, me parle de l’inflation, des prix qui augmentent sans cesse en ce moment, du fait que l’Inde n’est pas un pays apaisé et qu’il n’y a qu’à lire son histoire pour le comprendre. Il n’hésite pas à jouer des bras lorsqu’il marche dans la rue et à avoir de « l’attitude ». Bon, tout va bien alors, c’est ce que je percevais. Il faut faire gaffe ici et aller de l'avant. C’est pourtant au milieu de tout ça qu’il trouve le plus d’échanges et d’humanité.
Pendant que nous discutons une claque résonne derrière nous, un gamin vient de manquer de respect à un petit gars qui le corrige durement devant ses amis. Le gamin qui reçoit la gifle ne bronche pas et s’en va en baissant les yeux, larmoyant et rageux, la joue rouge. Le gars qui l’a corrigé c’est le Grand Pelu, un tout petit indien qui parle français, anglais et d’autres langues, un ami d’Adrien. Il me propose du Hash ou quoi que ce soit si j’ai un problème, tout le monde le connaît ici. Je continue ma route et me sens à présent plus léger : ça fait toujours du bien de vider son sac et d’être écouté.
Merci à toi qui lis.
C’est toujours comme ça que ça se passe : quand tu te sens bien le monde te sourit mais si tu dérouilles prend garde à toi car ça pourrait aller bien pire. Il faut conserver une bonne énergie et savoir s'imposer. C'est la vie en société.
J'avance donc plus hardi, connaissant mieux les règles qui me permettront de m'exprimer ici. Éviter la peur et avoir confiance en soi. C'est toujours plus facile lorsqu'il n'y a pas d'épreuves, que les choses ne nécessitent pas une présence particulière, quand tout coule de source, on ne se rend pas compte de quoi l'on est fait. Malheureusement ce n'est pas toujours le cas et il est important d'avoir une ou deux certitudes concernant notre attitude par rapport à la vie. Pour trouver la douceur et l'amour il faut savoir se protéger tout en étant présent. C'est étrange comme les choses sont ambivalentes parfois.
Merci à toi qui lis.
C’est toujours comme ça que ça se passe : quand tu te sens bien le monde te sourit mais si tu dérouilles prend garde à toi car ça pourrait aller bien pire. Il faut conserver une bonne énergie et savoir s'imposer. C'est la vie en société.
J'avance donc plus hardi, connaissant mieux les règles qui me permettront de m'exprimer ici. Éviter la peur et avoir confiance en soi. C'est toujours plus facile lorsqu'il n'y a pas d'épreuves, que les choses ne nécessitent pas une présence particulière, quand tout coule de source, on ne se rend pas compte de quoi l'on est fait. Malheureusement ce n'est pas toujours le cas et il est important d'avoir une ou deux certitudes concernant notre attitude par rapport à la vie. Pour trouver la douceur et l'amour il faut savoir se protéger tout en étant présent. C'est étrange comme les choses sont ambivalentes parfois.
À la recherche des autres je me rends compte que j'en apprends beaucoup sur moi.
Je suis un sale gosse, j'espère que j'aurais le temps de grandir.
J’aime les bleus apaisants des bâtiments, les visages détendus qui s’animent ou végètent devant moi.
Un vieux me tient la grappe et nous partons boire un lassi (yaourt liquide sucré) car il veut que je goûte et surtout que je l’invite. En chemin je vois un indien redoubler de violence contre un chien en le fouettant avec une lanière, j’ai l’impression qu’il jouit de son pouvoir et l’animal crie à maintes reprises sous les coups répétés du promeneur. Il aura compris la leçon, peut-être. Les chiens sont cons parfois mais les humains aussi. Les gens me regardent bizarrement alors que je me promène avec mon vieux gourmand, me font des signes qu'il est repoussant. C'est sans doute un intouchable, paria au milieu des autres, hors caste héréditaire, non-vivant du système indien. Moi je n'en ai rien à secouer de tout ça et je lui offre son lassi.
Un vieux me tient la grappe et nous partons boire un lassi (yaourt liquide sucré) car il veut que je goûte et surtout que je l’invite. En chemin je vois un indien redoubler de violence contre un chien en le fouettant avec une lanière, j’ai l’impression qu’il jouit de son pouvoir et l’animal crie à maintes reprises sous les coups répétés du promeneur. Il aura compris la leçon, peut-être. Les chiens sont cons parfois mais les humains aussi. Les gens me regardent bizarrement alors que je me promène avec mon vieux gourmand, me font des signes qu'il est repoussant. C'est sans doute un intouchable, paria au milieu des autres, hors caste héréditaire, non-vivant du système indien. Moi je n'en ai rien à secouer de tout ça et je lui offre son lassi.
Les gens sont demandeurs d’images, ils aiment bien jouer. Les petits indiens posent et s’amusent de voir leurs visages sur mon écran numérique.
Il suffit de commencer à faire des photos et si l’on n’y met pas un terme toute la rue vient à vous. Je suis un portraitiste gratuit et prends les adresses postales ou électroniques de mes bénéficiaires. Je tombe parfois sur des gens sans aucunes adresses et j’ai l’air con de ne pas avoir une imprimante avec moi.
Qu'importe, tout le monde oublie vite et je fais surtout ça pour moi.
Lorsque ce gars me demande de lui faire une photo, je suis un peu géné car je vois bien qu'il galère avec son baluchon. Je ne lui refuse pas mais ça me fait de la peine. Je ne crois pas qu'il souhaite un tirage ou quoique ce soit, il voulait simplement être là et part juste après. De quoi parle-t-on quand on fait une photo? Qu'est ce qu'on veut?
Un gars m’interpelle au loin et je suis bien content de me dépêtrer d’enfants joueurs qui commencent à me casser les bonbons et que j’amuse beaucoup, il est temps que je traverse cette foutue rue, ça doit faire une heure que je suis là. Il m’invite à boire un thé au citron et j’accepte avec plaisir. Il fait tellement chaud. Tout en me parlant il se cure le nez à la mode indienne et j’en suis honoré.
C’est la seule fois où l’on me laisse cliquer sur ce genre d’action, ça fait un moment que je m’émerveillais de cette beauté culturelle mais personne ne voulait immortaliser le geste.
J’aime beaucoup ce gars, il aime rire et sa curiosité l’enrichit. Le thé au citron est prêt. Il est salé, avec des épices et du citron, chaud et salé, bizarre pour moi. Je n’aime pas trop mais je me dis que c’est comme souvent une question d’habitude. Au Tibet ils font apparemment du thé avec du beurre de yak et du sel…Soyons sérieux, on n'a pas forcément raison chez nous.
J’aime beaucoup ce gars, il aime rire et sa curiosité l’enrichit. Le thé au citron est prêt. Il est salé, avec des épices et du citron, chaud et salé, bizarre pour moi. Je n’aime pas trop mais je me dis que c’est comme souvent une question d’habitude. Au Tibet ils font apparemment du thé avec du beurre de yak et du sel…Soyons sérieux, on n'a pas forcément raison chez nous.
Je continue à errer dans les ruelles ombragées à la recherche d'inattendu...
Je croise brièvement ce jeune et son tee-shirt m’interpelle. «Have faith in yourself» disposé en croix. En me renseignant ce jour, je vois que le symbole de la croix «chrétienne» trouverait des traces d’existence bien avant la naissance de cette religion, en Inde notamment mais aussi dans l’Antiquité. Je lui demande de rester un instant et fait une photo rapide, il est très surpris et un homme témoin de la scène m’interpelle et m’invite à venir boire un thé avec lui.
Après ce spectacle, je ne me sens pas de lui refuser ma présence et admettre n’être qu’un consommateur visuel. Je ne peux pas prendre sans donner, ou du moins je me sentirai mal de le faire. Nous parlons brièvement et le thé arrive, nous rigolons à propos de je ne sais plus trop quoi et ce n’est pas important, il m’est sympathique et décide de me lire les lignes de la main. Il décrète : « always charming, always playing ». Je suis quelqu’un de léger, pas besoin d’être chiromancien pour le voir. Mais c'est toujours sympa d'entendre parler de soi. Le gars est très agréable, marrant, sa main à lui est tellement longue et les lignes aussi que je ne sais pas quoi y lire. Ça m’impressionne beaucoup, il faudra que je me renseigne sur ça en rentrant en Europe. Il travaille dans le bâtiment, nous nous reverrons peut-être et me dit « see you » lorsque son ami arrive.
Je rencontre beaucoup de personnes dans les ruelles de Bénarès. Beaucoup viennent vers moi et veulent faire des photos. Les indiens sont vraiment joueurs et aiment l’image, il n’y a qu’à voir l’engouement du pays pour le cinéma.
Après ce spectacle, je ne me sens pas de lui refuser ma présence et admettre n’être qu’un consommateur visuel. Je ne peux pas prendre sans donner, ou du moins je me sentirai mal de le faire. Nous parlons brièvement et le thé arrive, nous rigolons à propos de je ne sais plus trop quoi et ce n’est pas important, il m’est sympathique et décide de me lire les lignes de la main. Il décrète : « always charming, always playing ». Je suis quelqu’un de léger, pas besoin d’être chiromancien pour le voir. Mais c'est toujours sympa d'entendre parler de soi. Le gars est très agréable, marrant, sa main à lui est tellement longue et les lignes aussi que je ne sais pas quoi y lire. Ça m’impressionne beaucoup, il faudra que je me renseigne sur ça en rentrant en Europe. Il travaille dans le bâtiment, nous nous reverrons peut-être et me dit « see you » lorsque son ami arrive.
Je rencontre beaucoup de personnes dans les ruelles de Bénarès. Beaucoup viennent vers moi et veulent faire des photos. Les indiens sont vraiment joueurs et aiment l’image, il n’y a qu’à voir l’engouement du pays pour le cinéma.
Pourtant tout ne m'a pas l'air tout le temps rose ici.
Je rentre par les bords du Gange, le soleil commence à tomber.
Je passe une bonne heure avec un jeune homme qui meurt littéralement d’amour pour une allemande. Elle a décidé qu’elle ne l’aimait plus. Cela fait deux ans qu’elle est retournée en Allemagne qu’elle a un nouveau mec et qu’il désespère de tout son romantisme indien.
Il me demande si je pense que c’est une bonne idée d’aller en Allemagne et de frapper à sa porte. Il a toujours sa photo, elle lui avait promis des enfants et ils avaient même réfléchi aux noms. Il n’arrive plus à vivre sans elle. Sans tact, je lui dis qu’il devrait brûler la photo et l’oublier, que ce n’est pas la bonne personne. Apparemment c’est impossible pour lui, il y croit encore et n’en fera rien. C’est la femme de sa vie et il lui a envoyé un colis avec des cadeaux hier.
« Tu crois qu’elle va me répondre quelque chose ? »
Il me demande si je pense que c’est une bonne idée d’aller en Allemagne et de frapper à sa porte. Il a toujours sa photo, elle lui avait promis des enfants et ils avaient même réfléchi aux noms. Il n’arrive plus à vivre sans elle. Sans tact, je lui dis qu’il devrait brûler la photo et l’oublier, que ce n’est pas la bonne personne. Apparemment c’est impossible pour lui, il y croit encore et n’en fera rien. C’est la femme de sa vie et il lui a envoyé un colis avec des cadeaux hier.
« Tu crois qu’elle va me répondre quelque chose ? »
Ses parents ne comprennent pas pourquoi il est si dépressif, et vont de toutes façons lui arranger un mariage dans deux ans. Il ne veut plus jamais avoir affaire à des filles européennes. Une personne, c’est pour la vie. J’ai beaucoup de peine pour lui et pour la fille qui partagera son quotidien s’il n’oublie pas l’allemande.
Quel micmac émotionnel. Je ne suis sûrement pas mieux de mon coté quand je repense à mes relations avec les filles. « Same same but different ».
Complexe est la voie qui mène au salut.
Je bouffe encore des chow-mein (nouilles sautées chinoises) sur la terrasse de l’hôtel, il fait nuit et je regarde le Gange et me dis que je ne suis vraiment pas un aventurier culinaire. J’aime bien les pâtes avec des trucs dedans. C’est bon ça, j’achète. Je rentre au chaud dans ma chambre exiguë, le ventilateur tourne mais je ne l’entends plus parce que je dors.
Je bouffe encore des chow-mein (nouilles sautées chinoises) sur la terrasse de l’hôtel, il fait nuit et je regarde le Gange et me dis que je ne suis vraiment pas un aventurier culinaire. J’aime bien les pâtes avec des trucs dedans. C’est bon ça, j’achète. Je rentre au chaud dans ma chambre exiguë, le ventilateur tourne mais je ne l’entends plus parce que je dors.
Errance
26 Avril 2013
On dit que l'Inde c'est sale, que les gens jettent tout par terre. En fait tous les matins, comme partout, des gens nettoient. Les hindous sont juste trop nombreux pour être comblés par de simples poubelles. Je me demande comment les bennes à ordure passeraient dans des ruelles d'à peine un mètre de large?
Je rencontre un vendeur de sapes nommé Amit qui a joué dans un film nommé "Amir "qui sort prochainement au cinéma. Il a une technique pour faire l'amour pendant des heures et des heures à sa copine, " ça la rend folle ". Il est très fier de lui car il aime bien quand ça dure très longtemps. Il a surtout une bonne tête et nous rigolons bien.
Il y a peinture de Shiva, écrasant le nain de l'ignorance derrière une chèvre qui bouffe les restes de la veille sur les bords du Gange.
C'est la classe ici.
Il y a peinture de Shiva, écrasant le nain de l'ignorance derrière une chèvre qui bouffe les restes de la veille sur les bords du Gange.
C'est la classe ici.
Je passe du temps sur le quai principal du Gange : Main ghat. C’est l’endroit de référence sur le fleuve, joliment décoré et populaire, propre, les brahmanes vendent leurs prières et bénédictions et les gens font leurs ablutions.
Je parle photos avec des photographes de touristes dynamiques qui font le même taf que moi en Suisse mais sur les bords du Gange, ils ont l’imprimante avec eux et racolent autant qu’ils peuvent. Ça doit bien marcher quand même.
Deux hindous du Sud venus incinérer la mère de l’un d’eux me tapent la conversation, nous nous faisons même prendre en photo. Il est midi et ils décident de m’inviter à manger. La nourriture est composée d’un genre de flan de riz blanc baigné dans une sauce saine et sans goût et franchement je me sens léger après cette collation mais c’est nickel.
Ils veulent faire un tour en bateau sur le fleuve et je les suis pour leur faire plaisir. Je vois qu’ils sont autant harcelés que moi alors que nous marchons et je suis bien content. Les négociations sont dures avec le pauvre batelier qui bataille ferme. Le tour de bateau coupe court quand celui-ci commence à réclamer plus d’argent, mes deux hôtes se sentent roulés et partent en le méprisant. Je paye la moitié du voyage, je n’ai rien compris mais c’est pas grave il est temps que je m’en aille. J'ai d'autres chats à fouetter que rester là toute la journée.
Deux hindous du Sud venus incinérer la mère de l’un d’eux me tapent la conversation, nous nous faisons même prendre en photo. Il est midi et ils décident de m’inviter à manger. La nourriture est composée d’un genre de flan de riz blanc baigné dans une sauce saine et sans goût et franchement je me sens léger après cette collation mais c’est nickel.
Ils veulent faire un tour en bateau sur le fleuve et je les suis pour leur faire plaisir. Je vois qu’ils sont autant harcelés que moi alors que nous marchons et je suis bien content. Les négociations sont dures avec le pauvre batelier qui bataille ferme. Le tour de bateau coupe court quand celui-ci commence à réclamer plus d’argent, mes deux hôtes se sentent roulés et partent en le méprisant. Je paye la moitié du voyage, je n’ai rien compris mais c’est pas grave il est temps que je m’en aille. J'ai d'autres chats à fouetter que rester là toute la journée.
Je recommence à errer et à cramer à la recherche de ruelles sombres sous le soleil de plomb de treize heures.
J'essaie de trouver des endroits où la lumière me plaît et puis je fais une photo puis je pars et je recommence ailleurs. Je me pose à un endroit et j'attends qu'il se passe quelque chose dans le décor.
J'ai toujours bien aimé les chantiers, ce gars est le contremaître qui m'a permis de rentrer voir comment ils font ici. C'est la construction d'une maison et il y a un paquet de gens qui bossent.
Je fais des photos encore et encore et je recommence à me demander pourquoi.
Je joue à la balle avec un gosse et pour la première fois de ma vie j'arrive à rattraper et renvoyer l'objet. Je ferais mieux de me faire des potes plutôt qu'errer tout seul comme ça, je me fais chier.
Le soir, après maintes rencontres et embrouilles, je rentre fatigué par le bord du Gange. '
Cette journée m’a saoulé.
J’achète un livre et un DVD car je sens que je vais avoir besoin d’un peu de solitude. Je commence à en avoir marre des gens.
Le soir, après maintes rencontres et embrouilles, je rentre fatigué par le bord du Gange. '
Cette journée m’a saoulé.
J’achète un livre et un DVD car je sens que je vais avoir besoin d’un peu de solitude. Je commence à en avoir marre des gens.
Fumées nocturnes
Je passe devant la crémation électrique - celle des pauvres - la moins chère, en prenant garde de ne faire aucune photo. Même système que l'autre crémation mais ce n'est pas la flamme de Shiva qui brûle les corps ici, c'est l'électricité qui alimente le feu. On économise pas mal de bois.
Il y a des cases d’un mètre carré qui entourent la place et ces endroits contiennent des petits vieux en attente de la mort, des mouroirs pour les plus malchanceux que la fin n’a pas encore frappés. Je les imagine recroquevillés dans leurs cages à humain dans l’attente du dénouement. C’est atroce.
Malgré ma misanthropie passagère, je me laisse inviter par une bande de jeunes qui rôdent autour du lieu. Je suis comme ça, faible devant la demande. Insistez un peu et vous verrez.
Il y a des cases d’un mètre carré qui entourent la place et ces endroits contiennent des petits vieux en attente de la mort, des mouroirs pour les plus malchanceux que la fin n’a pas encore frappés. Je les imagine recroquevillés dans leurs cages à humain dans l’attente du dénouement. C’est atroce.
Malgré ma misanthropie passagère, je me laisse inviter par une bande de jeunes qui rôdent autour du lieu. Je suis comme ça, faible devant la demande. Insistez un peu et vous verrez.
Ils m’invitent à monter dans un abri qui surplombe la crémation. Ça doit être leur « coin » à eux. On est souvent bien en hauteur, avec cette impression de prendre du recul : en face deux ou trois bûchers, les cendres par terre tout autour, des gens qui se lamentent et d’autres qui nettoient et en arrière plan le Gange. On voit toute la zone d’ici.
Du haut de notre abri perché ils crient sur les touristes qui prennent des photos des bûchers et me disent que moi je peux en faire car je suis avec eux mais ça ne me dit pas. Je rigole avec l’un de mes nouveaux compagnons qui me paraît obsédé par les filles et notamment les occidentales. J’ai l’impression que les indiens se font des films sur vous mesdames. Ils imaginent leur culture avec nos libertés, ça donne un mix un peu bizarre et assez unilatéral.
La nuit tombe doucement… Le groupe se rassemble en tailleur, de petits paquets sont dépliés et une herbe sèche et collante passe de mains en mains et de nez en nez. Il est l’heure de planer. Ils se mettent de la marijuana plein les poumons et le cerveau dans de grands shiloms , vous savez ces tubes de glaise de forme conique, dans lesquels on met de l’herbe et que l’on fume -vous avez sûrement un pote qui en a un. Au bout d’un moment alors que tout le monde est bien relax, ils appellent un sâdhu blanc qui discute avec un autre indien en contrebas de notre site. Ils lui proposent de venir fumer. Les sâdhus sont des saints hommes ayant renoncés aux biens matériels, des sortes de moines errants dont le but est d’atteindre la moksha, la libération de l’illusion et le contact avec le créateur. Ce sâdhu blanc me parait venu d’Europe, être trentenaire et avoir fait de l’Inde son pays d’adoption. Il est vêtu d'un unique pagne orange et porte un trident, symbole de Shiva. De longues rastas entourent son visage, il a l’œil perçant, fou et enjoué. Il parle hindou avec mes compagnons de la crémation et dans notre cabane surélevée où l’on voit les feux crépiter en contrebas vient l’heure des prières sous l’influence de Marie-Jeanne. Je ne fume pas mais suis complètement perché.
Á un moment le « plouf » d’un enfant lesté dans l’eau provoque le regard et le sourire complice de mon acolyte. Les enfants ne passent pas par la case « feu », ils sont purs. Ainsi va la mort ici.
La nuit tombe doucement… Le groupe se rassemble en tailleur, de petits paquets sont dépliés et une herbe sèche et collante passe de mains en mains et de nez en nez. Il est l’heure de planer. Ils se mettent de la marijuana plein les poumons et le cerveau dans de grands shiloms , vous savez ces tubes de glaise de forme conique, dans lesquels on met de l’herbe et que l’on fume -vous avez sûrement un pote qui en a un. Au bout d’un moment alors que tout le monde est bien relax, ils appellent un sâdhu blanc qui discute avec un autre indien en contrebas de notre site. Ils lui proposent de venir fumer. Les sâdhus sont des saints hommes ayant renoncés aux biens matériels, des sortes de moines errants dont le but est d’atteindre la moksha, la libération de l’illusion et le contact avec le créateur. Ce sâdhu blanc me parait venu d’Europe, être trentenaire et avoir fait de l’Inde son pays d’adoption. Il est vêtu d'un unique pagne orange et porte un trident, symbole de Shiva. De longues rastas entourent son visage, il a l’œil perçant, fou et enjoué. Il parle hindou avec mes compagnons de la crémation et dans notre cabane surélevée où l’on voit les feux crépiter en contrebas vient l’heure des prières sous l’influence de Marie-Jeanne. Je ne fume pas mais suis complètement perché.
Á un moment le « plouf » d’un enfant lesté dans l’eau provoque le regard et le sourire complice de mon acolyte. Les enfants ne passent pas par la case « feu », ils sont purs. Ainsi va la mort ici.
Le sâdhu dit à l’un d’eux qu’il devient fort à présent. Ils se prennent les mains avec force et je vois bien qu’ils se respectent beaucoup. Des mantras sont engagés, et tout le monde marmonne dans sa barbe des choses que je ne comprends pas. Tout devient trop mystique pour moi, je commence à greloter mais il ne fait pas si froid.
D’un coup, il est l’heure de rentrer et je suis bien content de partir, je ne sais pas combien de temps je suis resté ici avec eux. Je sors comme d’un rêve de cet endroit et le temps de récupérer mes affaires, je ne croise plus personne. Seul le sâdhu erre pieds nus dans le sable et la cendre des bûchers, accompagné d’un enfant.
D’un coup, il est l’heure de rentrer et je suis bien content de partir, je ne sais pas combien de temps je suis resté ici avec eux. Je sors comme d’un rêve de cet endroit et le temps de récupérer mes affaires, je ne croise plus personne. Seul le sâdhu erre pieds nus dans le sable et la cendre des bûchers, accompagné d’un enfant.
Extra strong
Je retourne voir Amit le vendeur de sapes et il me présente Raju, un jeune guide plein d’entrain qui parle un très bon anglais, nous allons boire des bières tous ensemble dans un endroit sombre rempli d’hommes et rigolons beaucoup. Ça me fait un bien fou de dire des conneries en picolant. J’ai l’impression que ça faisait un long moment.
Raju perd quatre mille roupies (soixante-dix euros) de pari sur un match de cricket et ça le fait bien chier, ce n’est pas seulement son argent mais aussi celui de ses amis. J’entends de nouveau parler de ce grand guru qu’est Baba Ji. Avec mes deux jours passés à traîner dans la ville, les émotions qu’elle dégage, les deux bières extra strong que j’ai dans le corps et ma curiosité, la récurrence de ce nom m’incite à aller lui rendre visite. Nous nous quittons vers les vingt-trois heures, rendez-vous est convenu pour demain matin d’aller rencontrer ce guru.
Je rentre dans le noir jusqu’à mon hôtel en évitant les ombres, et en effrayant les chiens. C'est pas eux qui vont me faire chier.
Raju perd quatre mille roupies (soixante-dix euros) de pari sur un match de cricket et ça le fait bien chier, ce n’est pas seulement son argent mais aussi celui de ses amis. J’entends de nouveau parler de ce grand guru qu’est Baba Ji. Avec mes deux jours passés à traîner dans la ville, les émotions qu’elle dégage, les deux bières extra strong que j’ai dans le corps et ma curiosité, la récurrence de ce nom m’incite à aller lui rendre visite. Nous nous quittons vers les vingt-trois heures, rendez-vous est convenu pour demain matin d’aller rencontrer ce guru.
Je rentre dans le noir jusqu’à mon hôtel en évitant les ombres, et en effrayant les chiens. C'est pas eux qui vont me faire chier.
Baba ji
28 Avril 2012
C’est Raju qui m’emmène. Nous arrivons à 9 heures dans le temple où Baba ji loge en ce moment. Il ne vit pas à Bénarès habituellement mais dans les montagnes de l’Himalaya, c’est là qu’il a acquis ses pouvoirs par la méditation et la récitation de mantras.
Lorsque nous entrons dans la pièce il est couché avec un ami à ses cotés et fume une cigarette. Il se relève nonchalamment en position assise à notre arrivée. Il porte seulement un pagne blanc qui exhibe sa carrure et son ventre généreux et rassure sur son alimentation. Baba ji parle très bien anglais. Baba ji est sûr de lui dans la vie. On ressent sa confiance, en ses pouvoirs d’intimidation que lui confère sa force physique, ou en son capital financier. Il dégage un truc animal. Un genre de gros ours qui bouffait du miel mais qui se retourne vers toi en se léchant les babines, l’œil avide, prêt à t’aider en échange d’euros. Bizarre.
Baba ji a une charité. Quatre-vingt dix pourcent de ses bénéfices vont à son organisme. Les gens viennent le voir pour toutes sortes de problèmes et il propose donc son aide sous formes de prévisions astrologiques, de prières, de porte-bonheur ou d’onguents. Ses services sont donc facturés. Ses services sont facturés à l’européenne. Il est le meilleur. Son livre de présentation est clair, il y a des règles à respecter et les prix sont affichés. Pas de négociation et ne parler en aucun cas de son influence sur les évènements car son sort serait rompu. Il prend entre quarante euros pour le service astrologique minimum et deux, trois cents euros pour le service complet, avec invocations et prières. Pendant que je lis le menu un groupe de touristes passe derrière moi, Baba Ji me les montre et me dit qu’il va aider ces gens. Il me dit de revenir demain matin boire le thé et lui donner ma réponse quand à son offre. Je le remercie poliment et lui taxe une cigarette, qu’il m’offre, surpris. Je dois revenir demain pour lui donner ma réponse pour ses services.
Je suis tellement curieux et malsain.
Je ne sais même plus pourquoi j’ai voulu aller voir ce guru. C’est pas moi, c’est la bière, la curiosité, l’incertitude. Dessaoulé je ne crois ni au père Noël ni au Baba ji. Je me sens un peu con d’avoir demandé à Raju de me traîner là-bas, je ne pense pas que je vais faire appel à ses pouvoirs.
Je passe la journée à traîner avec les nouveaux copains. J’achète une écharpe à Amit, et conviens de faire des photos pour la page internet de Raju en échange de ses services de guide. Sur les conseils de mon pote Yohann, j’achète mon billet pour Dharamsala, une petite ville du nord de l’Inde devenue refuge tibétain et située dans les montagnes proches de l’Himalaya afin de m’éloigner de cette fournaise qu’est Bénarès en ce moment.
C’est Raju qui m’emmène. Nous arrivons à 9 heures dans le temple où Baba ji loge en ce moment. Il ne vit pas à Bénarès habituellement mais dans les montagnes de l’Himalaya, c’est là qu’il a acquis ses pouvoirs par la méditation et la récitation de mantras.
Lorsque nous entrons dans la pièce il est couché avec un ami à ses cotés et fume une cigarette. Il se relève nonchalamment en position assise à notre arrivée. Il porte seulement un pagne blanc qui exhibe sa carrure et son ventre généreux et rassure sur son alimentation. Baba ji parle très bien anglais. Baba ji est sûr de lui dans la vie. On ressent sa confiance, en ses pouvoirs d’intimidation que lui confère sa force physique, ou en son capital financier. Il dégage un truc animal. Un genre de gros ours qui bouffait du miel mais qui se retourne vers toi en se léchant les babines, l’œil avide, prêt à t’aider en échange d’euros. Bizarre.
Baba ji a une charité. Quatre-vingt dix pourcent de ses bénéfices vont à son organisme. Les gens viennent le voir pour toutes sortes de problèmes et il propose donc son aide sous formes de prévisions astrologiques, de prières, de porte-bonheur ou d’onguents. Ses services sont donc facturés. Ses services sont facturés à l’européenne. Il est le meilleur. Son livre de présentation est clair, il y a des règles à respecter et les prix sont affichés. Pas de négociation et ne parler en aucun cas de son influence sur les évènements car son sort serait rompu. Il prend entre quarante euros pour le service astrologique minimum et deux, trois cents euros pour le service complet, avec invocations et prières. Pendant que je lis le menu un groupe de touristes passe derrière moi, Baba Ji me les montre et me dit qu’il va aider ces gens. Il me dit de revenir demain matin boire le thé et lui donner ma réponse quand à son offre. Je le remercie poliment et lui taxe une cigarette, qu’il m’offre, surpris. Je dois revenir demain pour lui donner ma réponse pour ses services.
Je suis tellement curieux et malsain.
Je ne sais même plus pourquoi j’ai voulu aller voir ce guru. C’est pas moi, c’est la bière, la curiosité, l’incertitude. Dessaoulé je ne crois ni au père Noël ni au Baba ji. Je me sens un peu con d’avoir demandé à Raju de me traîner là-bas, je ne pense pas que je vais faire appel à ses pouvoirs.
Je passe la journée à traîner avec les nouveaux copains. J’achète une écharpe à Amit, et conviens de faire des photos pour la page internet de Raju en échange de ses services de guide. Sur les conseils de mon pote Yohann, j’achète mon billet pour Dharamsala, une petite ville du nord de l’Inde devenue refuge tibétain et située dans les montagnes proches de l’Himalaya afin de m’éloigner de cette fournaise qu’est Bénarès en ce moment.
29 Avril 2012
Le lendemain j’ai rendez-vous avec Raju pour lui faire des photos, en chemin je croise un marocain nommé Mohamed qui se greffe à notre excursion. J’aime son habitude du marchandage et il me demande combien va prendre Raju. Je pensais que nous avions convenu d’un échange photos mais lui demande à tout hasard ce qu’il veut pour ses services, il me dit « tu me donneras ce que tu veux ». Je suis déçu, je pensais que des photos l’intéressaient, mais en fait il veut travailler et moi je ne veux pas de guide. Je voulais plutôt l’aider à faire un truc cool. Je pense en fait qu’il s’en fout. Je fais donc mon troisième tour de barque en quatre jours, accompagné par Mohamed et Raju cette fois, nous voyons une vache dépecée mangée par un chien et des vautours au bord du Gange puis rentrons.
Le lendemain j’ai rendez-vous avec Raju pour lui faire des photos, en chemin je croise un marocain nommé Mohamed qui se greffe à notre excursion. J’aime son habitude du marchandage et il me demande combien va prendre Raju. Je pensais que nous avions convenu d’un échange photos mais lui demande à tout hasard ce qu’il veut pour ses services, il me dit « tu me donneras ce que tu veux ». Je suis déçu, je pensais que des photos l’intéressaient, mais en fait il veut travailler et moi je ne veux pas de guide. Je voulais plutôt l’aider à faire un truc cool. Je pense en fait qu’il s’en fout. Je fais donc mon troisième tour de barque en quatre jours, accompagné par Mohamed et Raju cette fois, nous voyons une vache dépecée mangée par un chien et des vautours au bord du Gange puis rentrons.
De mon coté, je dois aller prendre le thé avec Baba ji et lui donner ma réponse quant à son offre. Je laisse donc Mohamed avec Amit le vendeur de vêtements, qui entreprend de lui trouver des chemises type indien et je vois bien que mon marocain use de tout son talent pour trouver le juste prix et le faire baisser au maximum. Je déçois Baba ji même s’il me dit « no pushing here », je lui gratte une clope pour rentabiliser ma présence et inverser l’échange et lui me parle d’un de ces projets d’acquisition : un énorme bloc de pierre minéral qui vaut un truc comme cent milles euros. Même avec les dons de ses patients, ça va être tendu de l’acheter, il va voir avec un russe. Il me dit qu’il ira sûrement à Dharamsala suivant l’activité qu’il a ici et j’en profite donc pour lui dire que l’on se reverra peut-être là-bas et me barrer, espérant bien que l’on ne se reverra pas de sitôt. Je lui souhaite bonne chance pour son gros caillou magique.
Mais je ne lui dis pas comme ça hein, c’est quand même un gros ours et je n’aimerai pas me prendre un coup de patte.
Ciao Baba ji !
Mais je ne lui dis pas comme ça hein, c’est quand même un gros ours et je n’aimerai pas me prendre un coup de patte.
Ciao Baba ji !
Considérations spirituelles du singe
Mohamed et moi décidons de passer l’après midi ensemble, de laisser Raju avec Amit et allons visiter des temples. Nous parlons en français et ça me fait énormément de bien de pouvoir m’exprimer librement, sans la barrière des mots et de la culture. Il travaille dans la formation et dispense ses cours dans des ambassades. Il a trente huit ans, célibataire et a beaucoup voyagé, il habite à Agadir. Dans le train, il a rencontré une Française, a passé cinq jours avec, à faire ce qu’ils avaient à faire, elle lui payait des chambres luxueuses et tout ça, mais ça l’a gavé, ils ne sortaient pas beaucoup des piscines des hôtels et ce n’est pas comme ça qu’il voit le voyage. Depuis qu’il l’a quittée il a découvert tellement de gens. Il regarde souvent son guide du routard et ça le fait rire que j’avance dans la ville sans carte et sans me perdre. Ça fait plus longtemps que je suis ici aussi, c’est normal.
Il a une théorie sur les vélos rickshaws qui dit que c’est la même chose que les autos rickshaws sauf que les conducteurs sont des gens plus pauvres et que l’engin est manuel. C’est plus long, mais quand on a le temps ? Ça ne pollue pas et ça fait vivre de petites gens. Je trouve que c’est pas faux. Il négocie le prix avant que l’on monte, il sait y faire venant du Maroc. Dans la vie j’entends clairement tout et son contraire et le pire c’est que je suis d’accord avec tout. Chacun a raison suivant sa logique.
Dans Monkey Temple, temple à la gloire d’Hanuman le dieu singe, une multitude de primates tire les jupes des filles et agresse les passants qui ne lui reviennent pas. C’est un peu la planète des singes, l’origine. Ça me fait bien rire mais c’est quand même flippant un singe qui s’énerve, pas qu’ils soient bien gros, non, mais leurs petites rides montrent à quel point ils sont querelleurs. C’est dans ce brouhaha que je peux enfin échanger mes points de vue sur la religion en Inde avec une personne non hindoue. Nous nous asseyons ensemble et discutons. Sans avoir parlé avec l’ensemble des gens de la ville, je n’ai pas rencontré d’hindou athée à Bénarès. Nous sommes d’accord sur le mercantilisme à outrance du religieux. Rien n’est gratuit, ici, les dieux sont bling bling et ils ont plutôt la classe. Il y a des centaines de divinités, dont les plus influentes : Vishnou, Shiva, Ganesh, Hanuman, Kali, Parvati, Durga servent chacune à quelque chose. Tellement de bras et d’ornements, il en faut un paquet pour les contenter. Je me demande encore pourquoi tant de pauvreté et d’inégalité avec autant de dieux, mais c’est commun chez les athées. Je sais que c’est mon Karma dans cette vie de ne pas être hindou et franchement merci, j’économise beaucoup de temps et d’argent, libre de ces dieux-là. Chaque jour de la semaine à sa divinité, chaque moment clé de la vie d’un hindou à un rapport aux dieux. La superstition fléau du tiers monde, perte de temps et déformation des valeurs humanistes. Les gens prient pour recevoir, ne respectent plus leur environnement et leurs concitoyens. Il a y une telle exacerbation des sentiments religieux que l’on en oublie d’être bon simplement, sans attente de retour. « Si tu fais ça, tu auras un bon karma ».
Mon dieu à moi joue au poker et s’il pose son coude sur ta tête il t’enterre, et ce n’est pas de ta faute, ni de la sienne mais juste une histoire de hasard. Choisir d’être bon, c’est croire en l’humain et à vouloir une place pour tous, je ne pense pas qu’il y ait de récompense. Tu mourras quand même, avec plus ou moins de bonheur. Je ne suis même pas sûr que partager l’amour et l’amitié soit lié au fait d’être quelqu’un de bien. Je ne sais même pas si l’on choisit vraiment ses valeurs. Il y a une bonne part d’aléatoire quant au jeu de départ, reste à savoir faire avec et en tirer le meilleur parti.
Mohamed n’est pas de confession islamiste même s’il souhaite avoir les idées plus claires concernant la religion avant ses quarante ans. Chacun se fixe sa dead line, tout le monde à une date de péremption adolescente et à un moment, il faudrait avoir des opinions arrêtées. Le lien horizontal (avec ses semblables) et le lien vertical (avec Dieu) lui sont tout de même importants et, suivant l’image de l’équerre, l’un ne va pas sans l’autre. Fausser l’un des liens par une mauvaise conduite équivaut à fausser aussi le lien adjacent. Je trouve cette image vraiment bonne. Je me dis juste que Dieu, c’est mon rapport à moi-même, ma propre conscience et qu’il ne faudrait pas trop dévier de mes propres valeurs sous peine de ne plus pouvoir donner à l'extérieur.
Il a une théorie sur les vélos rickshaws qui dit que c’est la même chose que les autos rickshaws sauf que les conducteurs sont des gens plus pauvres et que l’engin est manuel. C’est plus long, mais quand on a le temps ? Ça ne pollue pas et ça fait vivre de petites gens. Je trouve que c’est pas faux. Il négocie le prix avant que l’on monte, il sait y faire venant du Maroc. Dans la vie j’entends clairement tout et son contraire et le pire c’est que je suis d’accord avec tout. Chacun a raison suivant sa logique.
Dans Monkey Temple, temple à la gloire d’Hanuman le dieu singe, une multitude de primates tire les jupes des filles et agresse les passants qui ne lui reviennent pas. C’est un peu la planète des singes, l’origine. Ça me fait bien rire mais c’est quand même flippant un singe qui s’énerve, pas qu’ils soient bien gros, non, mais leurs petites rides montrent à quel point ils sont querelleurs. C’est dans ce brouhaha que je peux enfin échanger mes points de vue sur la religion en Inde avec une personne non hindoue. Nous nous asseyons ensemble et discutons. Sans avoir parlé avec l’ensemble des gens de la ville, je n’ai pas rencontré d’hindou athée à Bénarès. Nous sommes d’accord sur le mercantilisme à outrance du religieux. Rien n’est gratuit, ici, les dieux sont bling bling et ils ont plutôt la classe. Il y a des centaines de divinités, dont les plus influentes : Vishnou, Shiva, Ganesh, Hanuman, Kali, Parvati, Durga servent chacune à quelque chose. Tellement de bras et d’ornements, il en faut un paquet pour les contenter. Je me demande encore pourquoi tant de pauvreté et d’inégalité avec autant de dieux, mais c’est commun chez les athées. Je sais que c’est mon Karma dans cette vie de ne pas être hindou et franchement merci, j’économise beaucoup de temps et d’argent, libre de ces dieux-là. Chaque jour de la semaine à sa divinité, chaque moment clé de la vie d’un hindou à un rapport aux dieux. La superstition fléau du tiers monde, perte de temps et déformation des valeurs humanistes. Les gens prient pour recevoir, ne respectent plus leur environnement et leurs concitoyens. Il a y une telle exacerbation des sentiments religieux que l’on en oublie d’être bon simplement, sans attente de retour. « Si tu fais ça, tu auras un bon karma ».
Mon dieu à moi joue au poker et s’il pose son coude sur ta tête il t’enterre, et ce n’est pas de ta faute, ni de la sienne mais juste une histoire de hasard. Choisir d’être bon, c’est croire en l’humain et à vouloir une place pour tous, je ne pense pas qu’il y ait de récompense. Tu mourras quand même, avec plus ou moins de bonheur. Je ne suis même pas sûr que partager l’amour et l’amitié soit lié au fait d’être quelqu’un de bien. Je ne sais même pas si l’on choisit vraiment ses valeurs. Il y a une bonne part d’aléatoire quant au jeu de départ, reste à savoir faire avec et en tirer le meilleur parti.
Mohamed n’est pas de confession islamiste même s’il souhaite avoir les idées plus claires concernant la religion avant ses quarante ans. Chacun se fixe sa dead line, tout le monde à une date de péremption adolescente et à un moment, il faudrait avoir des opinions arrêtées. Le lien horizontal (avec ses semblables) et le lien vertical (avec Dieu) lui sont tout de même importants et, suivant l’image de l’équerre, l’un ne va pas sans l’autre. Fausser l’un des liens par une mauvaise conduite équivaut à fausser aussi le lien adjacent. Je trouve cette image vraiment bonne. Je me dis juste que Dieu, c’est mon rapport à moi-même, ma propre conscience et qu’il ne faudrait pas trop dévier de mes propres valeurs sous peine de ne plus pouvoir donner à l'extérieur.
Je quitte Mohamed, rejoint Raju et Amit et recroise Baba Ji qui passe devant la boutique de sapes et ça me permet de lui filer une clope après celles que je lui ai grattées à chaque rencontre. Il l’accepte et je suis bien content. Avec mes deux compères nous allons boire des bières mais je sens que le cœur n’y est pas. Raju est triste de ne pas avoir de thunes et Amit est accroché à son portable en plein dialogue amoureux. J’ignore tout ça et m’aigris, pars faire du lightpainting sur le toit de l’hôtel et essaie d’imager la vie et le trépas. Le gars qui dort en face de moi sur la terrasse ne se réveille pas alors qu’assis par terre je brasse du vent.
Le lendemain je suis réveillé par une chiasse monumentale, Shiva est en train de me punir d’être un petit con. Je vomis aussi, pour plus de sensations.
Tourista
30 Avril 2012
C’est plutôt dommage. Je me croyais plus solide.
Je pensai qu’une diarrhée passerait naturellement mais en fait celle de Bhaktapur me poursuit depuis lors, avec des va-et-vient et là je suis vraiment mal. Je ne l’ai sûrement pas arrangée ici en bouffant des merdouilles dans la rue au gré du hasard, dans des endroits plus ou moins louches. Ça ne me dérangeait pas outre mesure de me vider parfois moitié liquide mais ce matin c’est affreux, c’est trop et trop souvent.
Je passe donc ma journée au lit à crever de chaud, à m’enfuir en direction des chiottes aux vrombissements de mon intestin grêle et bien sûr de ce bon vieux côlon qui dérouille tellement aujourd’hui, à tromper l’ennui et la douleur en dormant et surtout à râler tout seul comme un connard enfermé dans ma chambre.
J’alterne entre les sorties buccales et anales. De concert, en duo ou en solo, à la guise de mes bactéries. En fin de matinée, après maintes expérimentations, j’ai choisi mon camp : je reste anal.
Je trouve que tout est sale ici, je n’avais pas remarqué ça avant d’en avoir besoin -du propre et du rassurant- je déteste cet hôtel et l’Inde toute entière. Je me demande comment je vais faire pour aller me chercher à manger, et où, et quoi, et merde, c’est reparti. Je remplis le seau d’eau des chiottes turques que je verse avec dégoût sur ma monstrueuse et malodorante création et je me lave le cul et les mains avec du savon et j’en ai marre de respirer, je voudrais mourir dans un seau d’eau de javel. Et oui je n'ai toujours pas de papier hygiénique. Putain, je me mets dans des situations pas possibles.
Dans l’après-midi quand je n'en peux plus de dormir, je consomme mes acquisitions culturelles, un dvd, un livre. Je regarde Salaam Bombay et c’est magnifique, un film indien sans les artifices qui les caractérisent. Sans chansons ni danses. La survie des enfants des rues de Calcutta dans les années 80, simple, vrai et efficace me paraî- il. Je commence à lire un livre de perché : L’intentionnalité lisible où j’ai l’impression que les auteurs disent qu’ils ont quelque chose à dire mais c’est euhhh… long à dire et euhhh… vide de sens pour moi et je euhhh… me rendors, encore, jusqu’à la prochaine vidange.
Mmmmh…miam miam miam, il est 18 heures, je suis vraiment bien faible là, il faut que je mange quelque chose.
Je monte sur la terrasse de l’hôtel et me régale d’un bon vieux chow-mein des familles puis je rentre dans ma chambre et je me rendors.
Il me reste seulement deux Smectas, sur les cinq que m’avait donnés Delphine, j’espère que ça ne va pas trop durer ce délire gastrique.
C’est plutôt dommage. Je me croyais plus solide.
Je pensai qu’une diarrhée passerait naturellement mais en fait celle de Bhaktapur me poursuit depuis lors, avec des va-et-vient et là je suis vraiment mal. Je ne l’ai sûrement pas arrangée ici en bouffant des merdouilles dans la rue au gré du hasard, dans des endroits plus ou moins louches. Ça ne me dérangeait pas outre mesure de me vider parfois moitié liquide mais ce matin c’est affreux, c’est trop et trop souvent.
Je passe donc ma journée au lit à crever de chaud, à m’enfuir en direction des chiottes aux vrombissements de mon intestin grêle et bien sûr de ce bon vieux côlon qui dérouille tellement aujourd’hui, à tromper l’ennui et la douleur en dormant et surtout à râler tout seul comme un connard enfermé dans ma chambre.
J’alterne entre les sorties buccales et anales. De concert, en duo ou en solo, à la guise de mes bactéries. En fin de matinée, après maintes expérimentations, j’ai choisi mon camp : je reste anal.
Je trouve que tout est sale ici, je n’avais pas remarqué ça avant d’en avoir besoin -du propre et du rassurant- je déteste cet hôtel et l’Inde toute entière. Je me demande comment je vais faire pour aller me chercher à manger, et où, et quoi, et merde, c’est reparti. Je remplis le seau d’eau des chiottes turques que je verse avec dégoût sur ma monstrueuse et malodorante création et je me lave le cul et les mains avec du savon et j’en ai marre de respirer, je voudrais mourir dans un seau d’eau de javel. Et oui je n'ai toujours pas de papier hygiénique. Putain, je me mets dans des situations pas possibles.
Dans l’après-midi quand je n'en peux plus de dormir, je consomme mes acquisitions culturelles, un dvd, un livre. Je regarde Salaam Bombay et c’est magnifique, un film indien sans les artifices qui les caractérisent. Sans chansons ni danses. La survie des enfants des rues de Calcutta dans les années 80, simple, vrai et efficace me paraî- il. Je commence à lire un livre de perché : L’intentionnalité lisible où j’ai l’impression que les auteurs disent qu’ils ont quelque chose à dire mais c’est euhhh… long à dire et euhhh… vide de sens pour moi et je euhhh… me rendors, encore, jusqu’à la prochaine vidange.
Mmmmh…miam miam miam, il est 18 heures, je suis vraiment bien faible là, il faut que je mange quelque chose.
Je monte sur la terrasse de l’hôtel et me régale d’un bon vieux chow-mein des familles puis je rentre dans ma chambre et je me rendors.
Il me reste seulement deux Smectas, sur les cinq que m’avait donnés Delphine, j’espère que ça ne va pas trop durer ce délire gastrique.
Au fil des quatre jours qu’il me reste ici je me rétablis.
Je ressors quand même bien usé de tout ça, mais enfin, ça remet les idées à l'heure.
J'ai l'impression que tout est plus calme aujourd'hui, en tous cas moi je dois l'être.
C'est sûrement un instant de répit avant la tempête.
Je pars pour Dharamsala demain. Je suis bien content de me dire que j’ai pris la meilleure option et d’avoir choisi le train en première classe, j’aurai certainement dû partir plus tôt de cette ville car j’y aurai passé huit jours au final, plus que nul part ailleurs dans mon voyage mais pas forcément dans le meilleur état. J’espère que le voyage en train sera doux. Je rencontre des Français et nous allons boire un coup dans un endroit envahi par des singes qui se reçoivent des coups de bouteilles, des bouts de bois dans la tronche par le proprio et nous jouons aux cartes et rigolons beaucoup.
J’ai l’impression que lorsque je suis avec des étrangers comme moi, dans la ville et que l’on marche, je ne vois pas les autres gens - les locaux - que je ne suis pas totalement là. Mais ça me fait du bien cette petite pause.
J’ai l’impression que lorsque je suis avec des étrangers comme moi, dans la ville et que l’on marche, je ne vois pas les autres gens - les locaux - que je ne suis pas totalement là. Mais ça me fait du bien cette petite pause.
Ciao Bénarès. Belle galère vos vies et vos morts, je vous plains mais c'est sûr que j'ai appris des choses ici.
Un jour je deviendrai cendre et alors je comprendrai tout, m’immisçant dans chacune de vos intimités et rejoignant le grand tout. Ou alors je ne ferai rien.
Un jour je deviendrai cendre et alors je comprendrai tout, m’immisçant dans chacune de vos intimités et rejoignant le grand tout. Ou alors je ne ferai rien.
INDE
DHARAMSALA
VOYAGE EN TRAIN
2 Mai 2012
Je quitte enfin Bénares aujourd'hui, vingt heures de train m'attendent, ainsi que plusieurs heures de bus pour rejoindre Dharamsala, cette ville perchée dans les montagnes, au pied de l'Himalaya. Cette cité est le refuge des tibétains exilés en Inde. Le Dalaï-Lama vit là-bas par intermittence.
À la gare je me fais tirer le pantalon et j’espère pendant une fraction de seconde que je ne vais pas me faire embrouiller pour avoir manqué de respect à un gars qui m’a touché le pied.
Non en fait c’est un gamin qui a les jambes entièrement à l’envers. Il rampe sur les cuisses, les pieds tournés vers le haut pour faire coucou en tirant le pantalon des passants et demander une pièce. Il me tend son petit récipient et je lui donne 50 roupies. C’est tellement la loose, moi qui entretiens les mafieux avec ma charité et lui qui est né pour ramper les jambes à l’envers, opéré à la caillasse lorsqu’il était petit. Ça va trop vite. Je mange ma banane et j’attends mon train pour Dharamsala. Je suis bien content de partir, quitter la ville, la chaleur, la mort et les prières, et retrouver la nature, du frais et moins d’Indiens. On verra bien mais je pense que ce sera différent là-bas.
Les Hindous m'ont quelque peu saoulé ces derniers temps.
Je quitte enfin Bénares aujourd'hui, vingt heures de train m'attendent, ainsi que plusieurs heures de bus pour rejoindre Dharamsala, cette ville perchée dans les montagnes, au pied de l'Himalaya. Cette cité est le refuge des tibétains exilés en Inde. Le Dalaï-Lama vit là-bas par intermittence.
À la gare je me fais tirer le pantalon et j’espère pendant une fraction de seconde que je ne vais pas me faire embrouiller pour avoir manqué de respect à un gars qui m’a touché le pied.
Non en fait c’est un gamin qui a les jambes entièrement à l’envers. Il rampe sur les cuisses, les pieds tournés vers le haut pour faire coucou en tirant le pantalon des passants et demander une pièce. Il me tend son petit récipient et je lui donne 50 roupies. C’est tellement la loose, moi qui entretiens les mafieux avec ma charité et lui qui est né pour ramper les jambes à l’envers, opéré à la caillasse lorsqu’il était petit. Ça va trop vite. Je mange ma banane et j’attends mon train pour Dharamsala. Je suis bien content de partir, quitter la ville, la chaleur, la mort et les prières, et retrouver la nature, du frais et moins d’Indiens. On verra bien mais je pense que ce sera différent là-bas.
Les Hindous m'ont quelque peu saoulé ces derniers temps.
En rentrant dans le train et mon compartiment, je vois où je vais passer les vingt prochaines heures, mon idée de "meilleure option" et de douceur est vite obscurcie par la réalité. Je pensais que choisir la classe couchette serait du luxe. Les huit mètres carrés sont blindés à mort par une famille en léthargie affalée sur les lits. L’endroit est sombre, les rideaux de la fenêtre tirés, j’aperçois le lit du haut sur lequel j’échoue en grimpant avec mes sacs. Du lit au plafond il y a cinquante centimètres, assez pour que je puisse ramper et m’allonger. Nikel. Le ventilateur de l’air frais est juste à coté de moi - tout en haut - et me glace gentiment le coté droit. Je me mets dans la couette, il est dix heures du matin. Dehors il fait trente cinq degrés et ici vingt. J’espère que je dormirai beaucoup - mon remède à toute situation - et que ça va passer vite, je n’ai pas trop envie de profiter du voyage.
Il est vingt heures lorsque je me réveille et je n’ai toujours pas mangé, j’ai beaucoup dormi et j’ai donc la pêche et l’agressivité électrique du manque de nourriture. Je vais chier un coup liquide aux toilettes et me rapproche des cuisines. Ça fait flipper - made in India. Ils ont dédié une pièce pour les déchets et balancent les plateaux repas et les restes de nourriture à l’intérieur en vrac à même le sol. L’endroit est donc rempli d’un tas de plateau repas et de restes de nourriture, sauces et mouches virevoltant sur cette montagne organico-plastique. Belle organisation. C’est ce genre de photos que je regrette de ne pas avoir fait, c’est tellement exotique. Nous sommes dans le train et cette pièce est la décharge du wagon, juste à coté de la cuisine. Je leur demande comment ça se passe pour la bouffe et ils me répondent qu’ils passeront dans les wagons avec leurs cochonneries. Il me fait un signe de la main, un signe de la main qui veut dire : dégage. Putain d’enfoirés d’hindous. Je re-grimpe sur ma couchette, maugréant et puis me rendors.
Les salopards de la cuisine me réveillent par le biais de mes co-voyageurs, je prends leur dégueulasserie et la mange à moitié, assis sur le lit d’un gars dans le couloir avec qui je tape la convers’, ravi, pour profiter d’une place hors de ma cellule. La viande est composée en moitié de gras et de muscles, c’est parfait pour alimenter le démon de mes entrailles. Je vais balancer moi même mon plateau dans la pièce à immondice et ça me fait du bien et je comprends alors mieux le pourquoi de cette pièce. Il me reste environ une douzaine d’heures à tirer… et si je faisais une petite sieste, pour changer ? Pas de souci pour moi, je me rendors en serrant les dents.
Je suis vraiment une sale enflure à détester les gens comme ça, il faut que je me relaxe.
À six heures du matin, le soleil est haut dans le ciel et le couloir hors de ma grotte est rempli d’agitation, nous arrivons bientôt. Dans une heure ? Deux heures ? Qui sait ? Les gens sont frais et beaux et peignés et je me demande comment ils ont fait. C’est peut être moi qui suis simplement content, content ou lobotomisé, d’avoir dormi quasiment quinze heures en plus de ma nuit à l’hôtel de la veille. Ça fait beaucoup de sommeil, les gens sont beaux et on arrive bientôt, c’est cool. Je crois que je ne pourrais plus faire le mort perché sur ma paillasse aérienne. J'ai rêvé d’hélico cette nuit, d’hélico qui quittait le pôle nord, sûrement du fait de la ventilation glaciale sur mon coté droit, ou gauche -on s’en fout - la nuit on bouge.
Nous débarquons. Il fait chaud ici aussi et on est encore en Inde. Beaucoup de véhicules, klaxonnements, boutiques, nuages de poussière, je suis à Amritsar et il y a un Golden Temple de malade ici ! Apparemment il est tout en or ! Je ne vais pas le voir car je n'en ai - rien à faire - et que je suis aigri. Je vais direct à la gare dans l’attente du bus, deux petites heures d’attente et ensuite encore 6 heures de tape cul bus et à moi les montagnes et la fraîcheur. Oh yeah, je me fais une joie de tracer de là. Je commande un hamburger à la viande de je ne sais quoi, pleines de nerfs qui me coûte soixante centimes d’euro, mais qui n’en vaudrait pas dix et me dégoûte et je m’en vais de toute façon, je ne suis plus là. Laissez-moi tranquille. Tu veux une clope toi ? Et tes potes aussi en veulent ? Ben va t’en acheter mon gros. Laisse moi tranquille et arrête de fumer putain, c’est une belle connerie.
Je suis vraiment une sale enflure à détester les gens comme ça, il faut que je me relaxe.
Je ne me rappelle plus très bien du voyage en bus. Seulement de mes nombreux et changeant voisins, des paysages qui défilent comme dans un rêve moite où je réussi encore à dormir une bonne partie du voyage et quand je suis bien au bout, c’est à dire surexcité par tant de repos éreintant, je tape la tchatche avec la personne qui se trouve à mes cotés. Il va être policier. Il est très fier de ça. Il me dit que je ne trouverai pas d’hôtel ce soir car en cette période le Dalaï-Lama est là. C’est n’importe quoi et je le sais bien mais je suis tellement chaud bouillant d’avoir dormi autant ces dernières heures que j’ai besoin de m’amuser et je m’affole avec lui. Le Dalaï Lama est ici ? C’est magnifique. Il y a une église catholique ? Oulala vite qu’on arrive que je vois tout ça.
À la sortie du bus je suis un gars qui m’emmène à un hôtel. Je râle sur le chemin en lui disant que c'est trop loin. Trop loin de quoi je ne sais pas mais c'est trop loin. Désolé pour vous lecteurs, mais si vous me connaissez vous savez que je suis une sale enflure parfois. Depuis un moment, j’ai compris que je préférais me laissé bercer par les rabatteurs pour les hôtels car en général tu discutes le prix et ne perds pas de temps. C’est mieux qu’avoir des idées arrêtées sur un truc cautionné par Le Guide du Routard. Tu vas, tu vois, si t’aimes, tu paies. Comme Saint Thomas, le sceptique qui a douté de la résurrection du Christ. Il a vu, il a vite compris, que Jésus c’était pas du bidon, nom de Dieu.
Cet hôtel est top : salle de bain, eau chaude, toilette privé dans la chambre, pas de papier cul mais c’est pas grave (j’ai mes mains et du savon) et surtout vue de malade sur les montagnes. Y’a même un bureau. Nikel. Ici il fait frais, ça sent bon, la rue était propre, ça va être de la boulette. Merci mon Dieu, merci Yohann Labaye. Il est vingt heures, je vais me taper un chow-mein des familles sur le toit du restau’ d’à coté et je savoure mon premiers bidis (cigarette roulée dans une feuille de tabac) en compagnie d’un népalais trop cool qui divise son temps entre Dhramsala et Goa. Bien... ça m’a l’air relax ici.
Vais-je réussir à dormir de nouveau ?
Il est vingt heures lorsque je me réveille et je n’ai toujours pas mangé, j’ai beaucoup dormi et j’ai donc la pêche et l’agressivité électrique du manque de nourriture. Je vais chier un coup liquide aux toilettes et me rapproche des cuisines. Ça fait flipper - made in India. Ils ont dédié une pièce pour les déchets et balancent les plateaux repas et les restes de nourriture à l’intérieur en vrac à même le sol. L’endroit est donc rempli d’un tas de plateau repas et de restes de nourriture, sauces et mouches virevoltant sur cette montagne organico-plastique. Belle organisation. C’est ce genre de photos que je regrette de ne pas avoir fait, c’est tellement exotique. Nous sommes dans le train et cette pièce est la décharge du wagon, juste à coté de la cuisine. Je leur demande comment ça se passe pour la bouffe et ils me répondent qu’ils passeront dans les wagons avec leurs cochonneries. Il me fait un signe de la main, un signe de la main qui veut dire : dégage. Putain d’enfoirés d’hindous. Je re-grimpe sur ma couchette, maugréant et puis me rendors.
Les salopards de la cuisine me réveillent par le biais de mes co-voyageurs, je prends leur dégueulasserie et la mange à moitié, assis sur le lit d’un gars dans le couloir avec qui je tape la convers’, ravi, pour profiter d’une place hors de ma cellule. La viande est composée en moitié de gras et de muscles, c’est parfait pour alimenter le démon de mes entrailles. Je vais balancer moi même mon plateau dans la pièce à immondice et ça me fait du bien et je comprends alors mieux le pourquoi de cette pièce. Il me reste environ une douzaine d’heures à tirer… et si je faisais une petite sieste, pour changer ? Pas de souci pour moi, je me rendors en serrant les dents.
Je suis vraiment une sale enflure à détester les gens comme ça, il faut que je me relaxe.
À six heures du matin, le soleil est haut dans le ciel et le couloir hors de ma grotte est rempli d’agitation, nous arrivons bientôt. Dans une heure ? Deux heures ? Qui sait ? Les gens sont frais et beaux et peignés et je me demande comment ils ont fait. C’est peut être moi qui suis simplement content, content ou lobotomisé, d’avoir dormi quasiment quinze heures en plus de ma nuit à l’hôtel de la veille. Ça fait beaucoup de sommeil, les gens sont beaux et on arrive bientôt, c’est cool. Je crois que je ne pourrais plus faire le mort perché sur ma paillasse aérienne. J'ai rêvé d’hélico cette nuit, d’hélico qui quittait le pôle nord, sûrement du fait de la ventilation glaciale sur mon coté droit, ou gauche -on s’en fout - la nuit on bouge.
Nous débarquons. Il fait chaud ici aussi et on est encore en Inde. Beaucoup de véhicules, klaxonnements, boutiques, nuages de poussière, je suis à Amritsar et il y a un Golden Temple de malade ici ! Apparemment il est tout en or ! Je ne vais pas le voir car je n'en ai - rien à faire - et que je suis aigri. Je vais direct à la gare dans l’attente du bus, deux petites heures d’attente et ensuite encore 6 heures de tape cul bus et à moi les montagnes et la fraîcheur. Oh yeah, je me fais une joie de tracer de là. Je commande un hamburger à la viande de je ne sais quoi, pleines de nerfs qui me coûte soixante centimes d’euro, mais qui n’en vaudrait pas dix et me dégoûte et je m’en vais de toute façon, je ne suis plus là. Laissez-moi tranquille. Tu veux une clope toi ? Et tes potes aussi en veulent ? Ben va t’en acheter mon gros. Laisse moi tranquille et arrête de fumer putain, c’est une belle connerie.
Je suis vraiment une sale enflure à détester les gens comme ça, il faut que je me relaxe.
Je ne me rappelle plus très bien du voyage en bus. Seulement de mes nombreux et changeant voisins, des paysages qui défilent comme dans un rêve moite où je réussi encore à dormir une bonne partie du voyage et quand je suis bien au bout, c’est à dire surexcité par tant de repos éreintant, je tape la tchatche avec la personne qui se trouve à mes cotés. Il va être policier. Il est très fier de ça. Il me dit que je ne trouverai pas d’hôtel ce soir car en cette période le Dalaï-Lama est là. C’est n’importe quoi et je le sais bien mais je suis tellement chaud bouillant d’avoir dormi autant ces dernières heures que j’ai besoin de m’amuser et je m’affole avec lui. Le Dalaï Lama est ici ? C’est magnifique. Il y a une église catholique ? Oulala vite qu’on arrive que je vois tout ça.
À la sortie du bus je suis un gars qui m’emmène à un hôtel. Je râle sur le chemin en lui disant que c'est trop loin. Trop loin de quoi je ne sais pas mais c'est trop loin. Désolé pour vous lecteurs, mais si vous me connaissez vous savez que je suis une sale enflure parfois. Depuis un moment, j’ai compris que je préférais me laissé bercer par les rabatteurs pour les hôtels car en général tu discutes le prix et ne perds pas de temps. C’est mieux qu’avoir des idées arrêtées sur un truc cautionné par Le Guide du Routard. Tu vas, tu vois, si t’aimes, tu paies. Comme Saint Thomas, le sceptique qui a douté de la résurrection du Christ. Il a vu, il a vite compris, que Jésus c’était pas du bidon, nom de Dieu.
Cet hôtel est top : salle de bain, eau chaude, toilette privé dans la chambre, pas de papier cul mais c’est pas grave (j’ai mes mains et du savon) et surtout vue de malade sur les montagnes. Y’a même un bureau. Nikel. Ici il fait frais, ça sent bon, la rue était propre, ça va être de la boulette. Merci mon Dieu, merci Yohann Labaye. Il est vingt heures, je vais me taper un chow-mein des familles sur le toit du restau’ d’à coté et je savoure mon premiers bidis (cigarette roulée dans une feuille de tabac) en compagnie d’un népalais trop cool qui divise son temps entre Dhramsala et Goa. Bien... ça m’a l’air relax ici.
Vais-je réussir à dormir de nouveau ?
HOLY MOTHER EARTH
5 Mai 2012
Avant tout un peu d’histoire : Dharamsala est de confession bouddhique depuis de nombreux siècles et, après l’annexion du Tibet par la Chine en 1950 et lors de l’exil en 1960 du 14ème et actuel Dalaï-lama, la ville a été donnée par le gouvernement Hindou à la communauté Tibétaine en exil. Mcleod Ganj (partie nord de Dharamsala) est donc ainsi communément appelée la petite Lhassa (en référence à la capitale du Tibet). Beaucoup de visiteurs afluent chaque année afin de satisfaire leur soif spirituelle et découvrir une culture bouddhique.
Avant tout un peu d’histoire : Dharamsala est de confession bouddhique depuis de nombreux siècles et, après l’annexion du Tibet par la Chine en 1950 et lors de l’exil en 1960 du 14ème et actuel Dalaï-lama, la ville a été donnée par le gouvernement Hindou à la communauté Tibétaine en exil. Mcleod Ganj (partie nord de Dharamsala) est donc ainsi communément appelée la petite Lhassa (en référence à la capitale du Tibet). Beaucoup de visiteurs afluent chaque année afin de satisfaire leur soif spirituelle et découvrir une culture bouddhique.
Ma première journée est merveilleuse. Je me lève à l’aurore, (oui j’ai encore réussi à dormir et comment je fais je ne sais pas, j’éteins tout dans mon cerveau, c’est facile), et pars en direction des montagnes pour une balade au frais. Je n’ai rien à dire de la beauté, c’est comme ça. C’est très apaisant. Merci la vie. C’est beau, j’en avais rudement besoin, de calme, de verdure. Il y a des singes, des chèvres, des vaches qui bouffent de l’herbe et plein de fleurs et d’odeurs et de couleurs de la Vie.
Les singes sont des Super-Singes et ils me font rêver à sauter de partout et chiper tout ce qu'il peuvent.
C'est tellement bon de voir de l'herbe fraiche, d'être au frais et seul dans la nature.
Je vois une maison au loin occupée par des hippies occidentaux et je me dis que je pourrais vivre ici moi aussi un jour. Se retirer de la course au pognon et vivre simplement, juste connecté avec soi et le rythme des saisons. Internet me manquerait sûrement mais bon, l’eau chaude et plein de trucs confortables aussi mais faut voir à quel prix on les a. J’ai toute ma vie pour faire le point. Quand ça me saoulera je changerai si je ne suis pas devenu trop paresseux et ensuqué.
Il y a beaucoup de centres de Yoga, de méditation ici, c’est très new age, on s’attend à voir un petit Richard Gere, complètement perché de calme et beau comme un Dieu, errer hagard dans les rues après une session mystique avec son guru. Pas mal de monde est occidental, le reste tibétain, c’est clean. Le bouddhisme a du bon. Il y a des monastères tibétains dans lesquels on peut dormir avec plein de drapeaux trop chou et ça coûte genre deux euros cinquante la nuit. Il y a des concerts, des spectacles, des choses saines... même si je pense que ce sont surtout les touristes qui profitent de tout ça.
Il y a donc plein d’occidentaux en quête de spiritualité genre - si t’es pas calme c’est pas bien - il font du Yoga, de la méditation, ils ont pris le délire mystique hindou, (dire des banalités sur un ton solennel et mystérieux) de ceux qui savent, de ceux qui ont fait Vipassana tu vois quoi. Lorsque je parle avec eux j’ai l’impression d’être un extraterrestre stressé, ce qui n’est sûrement pas si faux.
Quelques mots sur le Vipassana vous feront le plus grand bien chers lecteurs : la méditation Vipassana se pratique pendant dix jours, dix jours de recueillement solitaire au milieu d’autres gens. Pendant cette période les pratiquants se lèvent aux alentours de quatre heures du matin et pratique la méditation toute la journée, leur consommation alimentaire est stricte et minimale afin de percevoir l’effet des aliments sur l’organisme, les pratiquants ne doivent pas parler entre eux et passent donc la journée en tailleur le dos droit à méditer. Je vous invite à en lire plus de votre coté (http://fr.wikipedia.org/wiki/Vipassana).
Je résume tout cela car je ne l’ai pas fait, et pense que le plus dur est de ne pas sombrer dans la noirceur et d’apprendre à connaître les schémas de pensées qui nous affectent afin de savoir les contrôler à l’avenir. Ça a l’air bien dur en tous cas mais c'est sûrement bénéfique, en Inde beaucoup d’occidentaux tentent l’expérience.
Il y a beaucoup de centres de Yoga, de méditation ici, c’est très new age, on s’attend à voir un petit Richard Gere, complètement perché de calme et beau comme un Dieu, errer hagard dans les rues après une session mystique avec son guru. Pas mal de monde est occidental, le reste tibétain, c’est clean. Le bouddhisme a du bon. Il y a des monastères tibétains dans lesquels on peut dormir avec plein de drapeaux trop chou et ça coûte genre deux euros cinquante la nuit. Il y a des concerts, des spectacles, des choses saines... même si je pense que ce sont surtout les touristes qui profitent de tout ça.
Il y a donc plein d’occidentaux en quête de spiritualité genre - si t’es pas calme c’est pas bien - il font du Yoga, de la méditation, ils ont pris le délire mystique hindou, (dire des banalités sur un ton solennel et mystérieux) de ceux qui savent, de ceux qui ont fait Vipassana tu vois quoi. Lorsque je parle avec eux j’ai l’impression d’être un extraterrestre stressé, ce qui n’est sûrement pas si faux.
Quelques mots sur le Vipassana vous feront le plus grand bien chers lecteurs : la méditation Vipassana se pratique pendant dix jours, dix jours de recueillement solitaire au milieu d’autres gens. Pendant cette période les pratiquants se lèvent aux alentours de quatre heures du matin et pratique la méditation toute la journée, leur consommation alimentaire est stricte et minimale afin de percevoir l’effet des aliments sur l’organisme, les pratiquants ne doivent pas parler entre eux et passent donc la journée en tailleur le dos droit à méditer. Je vous invite à en lire plus de votre coté (http://fr.wikipedia.org/wiki/Vipassana).
Je résume tout cela car je ne l’ai pas fait, et pense que le plus dur est de ne pas sombrer dans la noirceur et d’apprendre à connaître les schémas de pensées qui nous affectent afin de savoir les contrôler à l’avenir. Ça a l’air bien dur en tous cas mais c'est sûrement bénéfique, en Inde beaucoup d’occidentaux tentent l’expérience.
Le plus gros chantier est à l'interieur de nos têtes, c'est de ça qu'il faut se protéger.
THE INCREDIBLE LION MAN
Bon, revenons à la rigolade. Parce qu’il y en a, de la rigolade.
Je tombe sur ce mec, courtaud, le sourire aux lèvres et les dents abîmées, les cheveux en chignon, accoutré d’un habit traditionnel tibétain, Il porte des lunettes en forme de cœur vissées sur les yeux, un jean, des écouteurs branché sur les oreilles et il distribue des flyers pour son spectacle.
Il s’appelle Lion Man, réfugié tibétain à l’âge de 15 ans, il est danseur et son spectacle est ce soir. Je crois qu’il fait du hip-hop mais non, c’est de la danse traditionnel et aussi contemporaine. Pourquoi ne pas aller le voir ? C’est à deux pas de mon hôtel et le gars m’est vraiment sympathique.
Il est dix neuf heures lorsque les spectateurs prennent place par terre, sur les planches en bois dans une salle de classe de l’école primaire. Je choisis le deuxième rang devant à gauche au milieu des enfants de l’école qui crient et s’agitent avec leurs petits visages bruns et bridés et si sympathique. Je suis à la fois coupé du premier rang, au cœur du mouvement et loin des autres touristes. Nous sommes une quinzaine tout au plus à assister au Show du Lion Man. La plupart sont comme moi, occidentaux, à la recherche de je ne sais quoi.
Le spectacle commence et notre héros nous explique brièvement son départ du Tibet par les montagnes de l’Himalaya, les difficultés physiques et psychologiques qu’il a enduré pour traverser le pays, le sentiment d’exil, puis enchaîne sans plus attendre sur une danse traditionnelle tandis que les enfants continuent à courir partout et à rigoler. Je me dis que le spectacle va rapidement m’ennuyer et je me sens assez gêné d’être là. Je reste souriant cependant, en bon occidental condescendant. Ah... Ces autochtones ! Quel folklore naïf.
La danse est plutôt «chou chou» et ridicule et notre homme prend et donne de l’énergie en souriant à tous ses petits amis imaginaires sur fond de musique traditionnel tibétaine. Il a choisi une musique que l’on entend partout, celle qui fait bien mal à la tête : http://www.youtube.com/watch?v=q41RDC4iqvc&feature=related (vous pouvez commencer à 1 minutes 20 secondes de la chanson, écouter 10 secondes et ensuite copier coller sur 23 minutes et vous avez le résultat. Merci les mantras). Je vois bien les petites fleurs imaginaires en train d’éclore devant tant de grâce et les petits papillons heureux d’être là. De mon coté les quatre mots utilisé du mantra, Om Mani Padme Hum – (qui ont de multiples interprétations et veulent dirent en gros « gloire à la sagesse qui réside en moi ») - me tapent sur le système et je baille discrètement. J’ai envie de passer mon ennui sur les gamins d’à coté - qui continuent leurs enfantillages - et leur donner des claques pour les calmer et les remettre dans le droit chemin de la végétation et l’ennui mais... Lion Man a changé la musique, changé la musique pour quelque chose de plus rythmé.
Il commence maintenant à tourner sur lui même et nous nous demandons tous ce qu’il se passe. Il tourne... Il tourne en cadence de plus en plus vite, mettant ses mains devant son visage ou devant lui, alternant les poses pendant ce long et audacieux spinning. Même les enfants sont calmés, ce qui est une réelle preuve d’intérêt car personne ne les force à donner leur attention au spectacle. Captiver des enfants est vraiment une preuve de la qualité de l’effet. Au bout des 10 minutes de rotation sur lui-même il traverse la salle, droit et sans vaciller sous nos regards hagards et interloqués. Je pense que mis à part lui, tout le monde à la gerbe à présent. Mon envie de frapper les gosses m’est radicalement passée. Ils se sont calmés aussi.
Nous passons à la troisième partie du show et je comprends qu’il va nous faire un truc plus fou lorsque, transpirant comme un bœuf, il enlève sa veste traditionnelle, détache sa crinière et se jette sur une dame du premier rang, les yeux dans les yeux à moins d’un centimètre l’un de l’autre, nez à nez enfoncés.
Le Lion se réveille.
À quatre pattes, dégoulinant de transpiration il reste fixement bloqué sur sa proie et ne lâche pas le regard. Les gouttes de sudation du Lion Man perlent sur la pauvre femme et il entreprend de lui bouffer le cerveau. Les une à deux minutes se font longues, et la personne interloquée ne sait pas comment se dégager de là.
Plus personne ne parle, ne bouge, glacé d’effroi à l’idée d’être la prochaine petite victime de ce viol publique de l’intimité. Et pourtant tout le monde y passera. Les yeux dans les yeux comme jamais vous n’imagineriez autant de proximité. Je vois un couple quitter la pièce, sûrement l’un des plus craintif. On leur avait vendu du traditionnel, du typique, du mignon, ils en voulaient de leur Om Mani Padme Hum, quelle tromperie sur la marchandise…
C’est vraiment intéressant de voir chacun se dépatouiller avec la bête gigotante que rien n’effraie. Tous les spectateurs profitent à présent des réactions de chacun et nous rigolons avant de passer à la casserole psychologique. Une jeune fille joue la carte du - je-recule-au maximum - mais le Lion avance de même sans concession. On n’échappe pas à l’inspection généralle, que voulais-tu cacher ? C’est une ou deux minutes par personne d’intense proximité et de regard direct à travers l’âme. Je croyais passer à travers ce viol de masse et pourtant le Lion s’avise de son erreur et avance vers moi, dernières pupilles à déflorer. Je reste statique et essaie de rester serein et de sourire au mieux à ce curieux sans gêne, je protège surtout mes limites. Je ne voudrais pas succomber à la peur et déclencher mon agressivité, je voudrais plutôt dégager de la confiance et de l’amour.
L’expérience est vraiment intéressante. Essayez avec vos amis en soirée, c’est toujours instructif, on est rarement aussi proches les uns des autres et il est dur de cacher ce que l’on ressent à ce moment là. Tout le monde est différent dans son rapport à l’autre, et moi qui suis assez direct, j’ai rarement connu quelque chose d’aussi poussif et concret.
Il est venu le temps de la proximité et de la barbarie. Les barrières psychologiques étant rompues il est temps de s’attaquer aux corps à présent. Nous rentrons dans l’avant-dernière partie du show.
Le Lion prend désormais les gens du public à bras le corps, les arrachent à leur douce planche de bois contemplative et entreprend de nouveau des rotations, il tourne sur lui-même avec une nouvelle victime, la tête coincée entre ses jambes elle s’accroche désespérément à lui en se demandant bien ce qu’il en train de lui arriver. Et c’est parti pour un tour de salle, chacun aura droit à sa longue rotation, dans des positions toutes plus innovantes et dangereuses les unes que les autres. Parfois notre héros prend deux personnes sur ses épaules et bim ! il tourne sur lui même de plus en plus vite et voilà encore une nouvelle démission de certains qui quittent la salle, la peur au ventre. Sûrement les plus vieux.
J’ai eu le privilège de partager le corps du Lion Man avec un autre photographe, et ce n’est peut-être pas un hasard mais peut-être bien que si. Qui sait ? J’ai bien flippé en tous les cas. Vient le tour de ma voisine, apparemment Russe, qui finit dans mes bras après que le Lion l’ai rejetée sur le rivage - notre planche - et en choisissant votre serviteur pour rassurer sa chute.
Les survivants du spectacle sont maintenant à point, torturés mentalement, spatialement, affectivement et corporellement. Nous pouvons à présent comprendre la chute de notre héros vers... La folie.
C’est l’acte final.
Sur fond de grosse musique Trance.
Je suis à Mcleod Ganj chez les hippies.
Tout va bien, nous sommes en l’an 2012.
Il noue sa cravate autour de son visage avec rage, laissant une place pour sa bouche d’où jaillit une langue atteinte de crise épileptique, frétillant ardemment et cherchant un endroit où aller, hors de ce corps.
Les convulsions le prennent entièrement et son corps réagit à la musique, entamant une espèce de transe macabre qui lui remue les entrailles. Le Lion se jette contre les murs, il souffre, pris de délire épileptique, essayant d’échapper une nouvelle fois à la folie qui le gagne tout à fait. Peut-on échapper à soi même ? Il tente à présent l’immolation par le feu, enroule du papier hygiénique contre sa jambe et enflamme le tout, convulsionnant et se débattant à souhait dans l’espoir d’éloigner les démons qui le poursuivent. Le spectacle touche a sa fin, la bougie qui trônait sur l’enceinte du poste stéréo est utilisée comme calmant, la cire en est versée sur son visage et notre Lion, meurt, ce soir une nouvelle fois.
C’est fini, les dés sont jetés. Chacun a droit à un quartier d’orange et à un grand sourire plein d’amour. Les gens quittent la salle et je reste sous le choc, à coté des deux Russes assises à ma droite. Nous l’aidons à ranger, ou du moins je crois... en fait je les regarde surtout faire et ne m’active pas du tout. Mais je donne mes impressions « t’est taré, c’est trop fou. Merci »
Moi tout ça, ça m’a parlé.
Il s’appelle Lion Man, réfugié tibétain à l’âge de 15 ans, il est danseur et son spectacle est ce soir. Je crois qu’il fait du hip-hop mais non, c’est de la danse traditionnel et aussi contemporaine. Pourquoi ne pas aller le voir ? C’est à deux pas de mon hôtel et le gars m’est vraiment sympathique.
Il est dix neuf heures lorsque les spectateurs prennent place par terre, sur les planches en bois dans une salle de classe de l’école primaire. Je choisis le deuxième rang devant à gauche au milieu des enfants de l’école qui crient et s’agitent avec leurs petits visages bruns et bridés et si sympathique. Je suis à la fois coupé du premier rang, au cœur du mouvement et loin des autres touristes. Nous sommes une quinzaine tout au plus à assister au Show du Lion Man. La plupart sont comme moi, occidentaux, à la recherche de je ne sais quoi.
Le spectacle commence et notre héros nous explique brièvement son départ du Tibet par les montagnes de l’Himalaya, les difficultés physiques et psychologiques qu’il a enduré pour traverser le pays, le sentiment d’exil, puis enchaîne sans plus attendre sur une danse traditionnelle tandis que les enfants continuent à courir partout et à rigoler. Je me dis que le spectacle va rapidement m’ennuyer et je me sens assez gêné d’être là. Je reste souriant cependant, en bon occidental condescendant. Ah... Ces autochtones ! Quel folklore naïf.
La danse est plutôt «chou chou» et ridicule et notre homme prend et donne de l’énergie en souriant à tous ses petits amis imaginaires sur fond de musique traditionnel tibétaine. Il a choisi une musique que l’on entend partout, celle qui fait bien mal à la tête : http://www.youtube.com/watch?v=q41RDC4iqvc&feature=related (vous pouvez commencer à 1 minutes 20 secondes de la chanson, écouter 10 secondes et ensuite copier coller sur 23 minutes et vous avez le résultat. Merci les mantras). Je vois bien les petites fleurs imaginaires en train d’éclore devant tant de grâce et les petits papillons heureux d’être là. De mon coté les quatre mots utilisé du mantra, Om Mani Padme Hum – (qui ont de multiples interprétations et veulent dirent en gros « gloire à la sagesse qui réside en moi ») - me tapent sur le système et je baille discrètement. J’ai envie de passer mon ennui sur les gamins d’à coté - qui continuent leurs enfantillages - et leur donner des claques pour les calmer et les remettre dans le droit chemin de la végétation et l’ennui mais... Lion Man a changé la musique, changé la musique pour quelque chose de plus rythmé.
Il commence maintenant à tourner sur lui même et nous nous demandons tous ce qu’il se passe. Il tourne... Il tourne en cadence de plus en plus vite, mettant ses mains devant son visage ou devant lui, alternant les poses pendant ce long et audacieux spinning. Même les enfants sont calmés, ce qui est une réelle preuve d’intérêt car personne ne les force à donner leur attention au spectacle. Captiver des enfants est vraiment une preuve de la qualité de l’effet. Au bout des 10 minutes de rotation sur lui-même il traverse la salle, droit et sans vaciller sous nos regards hagards et interloqués. Je pense que mis à part lui, tout le monde à la gerbe à présent. Mon envie de frapper les gosses m’est radicalement passée. Ils se sont calmés aussi.
Nous passons à la troisième partie du show et je comprends qu’il va nous faire un truc plus fou lorsque, transpirant comme un bœuf, il enlève sa veste traditionnelle, détache sa crinière et se jette sur une dame du premier rang, les yeux dans les yeux à moins d’un centimètre l’un de l’autre, nez à nez enfoncés.
Le Lion se réveille.
À quatre pattes, dégoulinant de transpiration il reste fixement bloqué sur sa proie et ne lâche pas le regard. Les gouttes de sudation du Lion Man perlent sur la pauvre femme et il entreprend de lui bouffer le cerveau. Les une à deux minutes se font longues, et la personne interloquée ne sait pas comment se dégager de là.
Plus personne ne parle, ne bouge, glacé d’effroi à l’idée d’être la prochaine petite victime de ce viol publique de l’intimité. Et pourtant tout le monde y passera. Les yeux dans les yeux comme jamais vous n’imagineriez autant de proximité. Je vois un couple quitter la pièce, sûrement l’un des plus craintif. On leur avait vendu du traditionnel, du typique, du mignon, ils en voulaient de leur Om Mani Padme Hum, quelle tromperie sur la marchandise…
C’est vraiment intéressant de voir chacun se dépatouiller avec la bête gigotante que rien n’effraie. Tous les spectateurs profitent à présent des réactions de chacun et nous rigolons avant de passer à la casserole psychologique. Une jeune fille joue la carte du - je-recule-au maximum - mais le Lion avance de même sans concession. On n’échappe pas à l’inspection généralle, que voulais-tu cacher ? C’est une ou deux minutes par personne d’intense proximité et de regard direct à travers l’âme. Je croyais passer à travers ce viol de masse et pourtant le Lion s’avise de son erreur et avance vers moi, dernières pupilles à déflorer. Je reste statique et essaie de rester serein et de sourire au mieux à ce curieux sans gêne, je protège surtout mes limites. Je ne voudrais pas succomber à la peur et déclencher mon agressivité, je voudrais plutôt dégager de la confiance et de l’amour.
L’expérience est vraiment intéressante. Essayez avec vos amis en soirée, c’est toujours instructif, on est rarement aussi proches les uns des autres et il est dur de cacher ce que l’on ressent à ce moment là. Tout le monde est différent dans son rapport à l’autre, et moi qui suis assez direct, j’ai rarement connu quelque chose d’aussi poussif et concret.
Il est venu le temps de la proximité et de la barbarie. Les barrières psychologiques étant rompues il est temps de s’attaquer aux corps à présent. Nous rentrons dans l’avant-dernière partie du show.
Le Lion prend désormais les gens du public à bras le corps, les arrachent à leur douce planche de bois contemplative et entreprend de nouveau des rotations, il tourne sur lui-même avec une nouvelle victime, la tête coincée entre ses jambes elle s’accroche désespérément à lui en se demandant bien ce qu’il en train de lui arriver. Et c’est parti pour un tour de salle, chacun aura droit à sa longue rotation, dans des positions toutes plus innovantes et dangereuses les unes que les autres. Parfois notre héros prend deux personnes sur ses épaules et bim ! il tourne sur lui même de plus en plus vite et voilà encore une nouvelle démission de certains qui quittent la salle, la peur au ventre. Sûrement les plus vieux.
J’ai eu le privilège de partager le corps du Lion Man avec un autre photographe, et ce n’est peut-être pas un hasard mais peut-être bien que si. Qui sait ? J’ai bien flippé en tous les cas. Vient le tour de ma voisine, apparemment Russe, qui finit dans mes bras après que le Lion l’ai rejetée sur le rivage - notre planche - et en choisissant votre serviteur pour rassurer sa chute.
Les survivants du spectacle sont maintenant à point, torturés mentalement, spatialement, affectivement et corporellement. Nous pouvons à présent comprendre la chute de notre héros vers... La folie.
C’est l’acte final.
Sur fond de grosse musique Trance.
Je suis à Mcleod Ganj chez les hippies.
Tout va bien, nous sommes en l’an 2012.
Il noue sa cravate autour de son visage avec rage, laissant une place pour sa bouche d’où jaillit une langue atteinte de crise épileptique, frétillant ardemment et cherchant un endroit où aller, hors de ce corps.
Les convulsions le prennent entièrement et son corps réagit à la musique, entamant une espèce de transe macabre qui lui remue les entrailles. Le Lion se jette contre les murs, il souffre, pris de délire épileptique, essayant d’échapper une nouvelle fois à la folie qui le gagne tout à fait. Peut-on échapper à soi même ? Il tente à présent l’immolation par le feu, enroule du papier hygiénique contre sa jambe et enflamme le tout, convulsionnant et se débattant à souhait dans l’espoir d’éloigner les démons qui le poursuivent. Le spectacle touche a sa fin, la bougie qui trônait sur l’enceinte du poste stéréo est utilisée comme calmant, la cire en est versée sur son visage et notre Lion, meurt, ce soir une nouvelle fois.
C’est fini, les dés sont jetés. Chacun a droit à un quartier d’orange et à un grand sourire plein d’amour. Les gens quittent la salle et je reste sous le choc, à coté des deux Russes assises à ma droite. Nous l’aidons à ranger, ou du moins je crois... en fait je les regarde surtout faire et ne m’active pas du tout. Mais je donne mes impressions « t’est taré, c’est trop fou. Merci »
Moi tout ça, ça m’a parlé.
Le cimetière catholique
Il nous propose d’aller boire un thé tous les quatre. Les deux russes, lui et moi.
L’une des deux fille à du rhum bon marché, c’est leur dernier soir, demain elles repartent pour New Delhi, direction Moscou. C’est fiesta ce soir. J’adore que l’on me prie de participer et fais un peu de manières pour boire ce rhum de mauvaise qualité, Lion Man, Dorjee de son petit nom, ne picole pas et à présent, entre les multiples thés aux gingembre, nous commençons à augmenter les allées et venues de la bouteille. L’une des deux russes - la plus hardie et bavarde - celle qui connait déjà pas mal l’Inde, à déjà rencontrer Dorjee à Goa où il dansait devant un attroupement de gens. Le monde est petit on ne le répétera jamais assez, en fait on joue toujours avec le même karma alors on recroise les mêmes, ça me paraît logique.
Le restaurant dans lequel nous étions ferme, il est donc temps de continuer à téter dehors, je ne sais plus qui lance l’idée mais nous partons en direction du cimetière. Sur la route, les fous sont présents et ravis de voir des filles se balader avec un gringalet - moi - certains s’arrêtent pour taper la tchatche et les copines n’aiment vraiment pas ça. J’imagine qu’ils doivent être bien relous tous ces hommes avec les occidentales. Il fait noir et elles ne sont pas rassurées. Je les comprends. Lorsque nous arrivons dans le cimetière je me rends compte que c’est la pleine lune et c’est vraiment beau. Nous sommes au milieu de la forêt assis à coté des tombes à célébrer la vie, à boire et parler avec passion. Je ne sais plus trop ce que l’on se dit à propos de la vie, de la mort, de l’Inde et de nos pays respectifs, des hommes et des femmes mais je me rappelle que les filles disaient qu’un homme qui ne savait pas gagner de l’argent n’était pas un bon. Elles comparaient cela à la chasse je crois...
Dorgee veut rentrer chez lui, il est minuit et pour lui c’est l’heure, nous finissons la bouteille et décidons de faire de même. Il nous quitte en m’embrassant goulument sur la bouche. Il m’avait déjà dit que j’avais la peau douce et je le suspecte maintenant fortement de bouffer à tous les râteliers. Pourquoi pas ? Tant qu’on ne vole pas… quand on a faim il ne faut pas se priver. Je dis à Dorgee que je viendrais demain revoir son show et faire des photos. Ahah ! Quand je suis éméché j’ai toujours plein d’énergie pour faire des trucs.
Je les raccompagne à leur hôtel où un lit m’est offert. Sur la route la plus audacieuse des deux - toujours la même - nous montre à quel point elle n’a pas peur des chiens errant : elle leur saute dessus en criant et joue avec eux comme avec des peluches. Ses sales bêtes sont directement acquises à sa cause et acceptent toutes ses injonctions. Avant elle s’occupait de chevaux, elle sait parler aux animaux.
Elles me donne le lit en plus de leur chambre et je m'endors.
L’une des deux fille à du rhum bon marché, c’est leur dernier soir, demain elles repartent pour New Delhi, direction Moscou. C’est fiesta ce soir. J’adore que l’on me prie de participer et fais un peu de manières pour boire ce rhum de mauvaise qualité, Lion Man, Dorjee de son petit nom, ne picole pas et à présent, entre les multiples thés aux gingembre, nous commençons à augmenter les allées et venues de la bouteille. L’une des deux russes - la plus hardie et bavarde - celle qui connait déjà pas mal l’Inde, à déjà rencontrer Dorjee à Goa où il dansait devant un attroupement de gens. Le monde est petit on ne le répétera jamais assez, en fait on joue toujours avec le même karma alors on recroise les mêmes, ça me paraît logique.
Le restaurant dans lequel nous étions ferme, il est donc temps de continuer à téter dehors, je ne sais plus qui lance l’idée mais nous partons en direction du cimetière. Sur la route, les fous sont présents et ravis de voir des filles se balader avec un gringalet - moi - certains s’arrêtent pour taper la tchatche et les copines n’aiment vraiment pas ça. J’imagine qu’ils doivent être bien relous tous ces hommes avec les occidentales. Il fait noir et elles ne sont pas rassurées. Je les comprends. Lorsque nous arrivons dans le cimetière je me rends compte que c’est la pleine lune et c’est vraiment beau. Nous sommes au milieu de la forêt assis à coté des tombes à célébrer la vie, à boire et parler avec passion. Je ne sais plus trop ce que l’on se dit à propos de la vie, de la mort, de l’Inde et de nos pays respectifs, des hommes et des femmes mais je me rappelle que les filles disaient qu’un homme qui ne savait pas gagner de l’argent n’était pas un bon. Elles comparaient cela à la chasse je crois...
Dorgee veut rentrer chez lui, il est minuit et pour lui c’est l’heure, nous finissons la bouteille et décidons de faire de même. Il nous quitte en m’embrassant goulument sur la bouche. Il m’avait déjà dit que j’avais la peau douce et je le suspecte maintenant fortement de bouffer à tous les râteliers. Pourquoi pas ? Tant qu’on ne vole pas… quand on a faim il ne faut pas se priver. Je dis à Dorgee que je viendrais demain revoir son show et faire des photos. Ahah ! Quand je suis éméché j’ai toujours plein d’énergie pour faire des trucs.
Je les raccompagne à leur hôtel où un lit m’est offert. Sur la route la plus audacieuse des deux - toujours la même - nous montre à quel point elle n’a pas peur des chiens errant : elle leur saute dessus en criant et joue avec eux comme avec des peluches. Ses sales bêtes sont directement acquises à sa cause et acceptent toutes ses injonctions. Avant elle s’occupait de chevaux, elle sait parler aux animaux.
Elles me donne le lit en plus de leur chambre et je m'endors.
Gueule de bois
6 mai 2012
L’alcool est déclencheur de mes troubles intestinaux, j’en suis sur. Je mets vingt cinq minutes à rentrer à mon hôtel le lendemain matin, et les dernières minutes du chemin me sont périlleuses. Va vraiment falloir que j’achète des médoc’ pour éradiquer ce problème de merde.
Le toubib se marre lorsque je lui dis que je croyais que ça passait tout seul ces ennuis là. Il me file des pilules à gober et dans cinq jours il n’y paraîtra plus. Ce que je trouve cool ici, c’est qu’il me vend une plaquette seulement et pas la boite entière des médicaments. Juste ce dont j’ai besoin. Parfait. Il me dit de bouffer pas mal de bananes, du riz et d’éviter l’alcool.
Le soir je pars à la rencontre de Dorjee mais manque de pot il n’a pas de public ce soir. Le show est annulé. Il me propose d’aller faire des photos avec lui le lendemain matin dans des lieux qui lui plaisent. Il est bien motivé et ça me fait plaisir, il pense emmener des accessoires. Je suis ravi de l’honneur qu’il me fait et j’espère que l’on fera des trucs intéressants.
C’est comme ça que je passe ma semaine entière avec lui : à aller de coin en coin, à bord de sa moto, à bouffer et boire des thés et faire un max de photos.
Lion Man est mon Héros. Il a plein de choses à dire.
L’alcool est déclencheur de mes troubles intestinaux, j’en suis sur. Je mets vingt cinq minutes à rentrer à mon hôtel le lendemain matin, et les dernières minutes du chemin me sont périlleuses. Va vraiment falloir que j’achète des médoc’ pour éradiquer ce problème de merde.
Le toubib se marre lorsque je lui dis que je croyais que ça passait tout seul ces ennuis là. Il me file des pilules à gober et dans cinq jours il n’y paraîtra plus. Ce que je trouve cool ici, c’est qu’il me vend une plaquette seulement et pas la boite entière des médicaments. Juste ce dont j’ai besoin. Parfait. Il me dit de bouffer pas mal de bananes, du riz et d’éviter l’alcool.
Le soir je pars à la rencontre de Dorjee mais manque de pot il n’a pas de public ce soir. Le show est annulé. Il me propose d’aller faire des photos avec lui le lendemain matin dans des lieux qui lui plaisent. Il est bien motivé et ça me fait plaisir, il pense emmener des accessoires. Je suis ravi de l’honneur qu’il me fait et j’espère que l’on fera des trucs intéressants.
C’est comme ça que je passe ma semaine entière avec lui : à aller de coin en coin, à bord de sa moto, à bouffer et boire des thés et faire un max de photos.
Lion Man est mon Héros. Il a plein de choses à dire.
Grâce à Lion man, je rencontre Cosima.
Il est temps de repartir.
Il est temps de repartir.
J'ai l'impression d'être plus apaisé qu'à mon départ, d'accepter un peu plus le chaos qu'est ma vie.
Je ne suis pas seul.
J'espère garder cet état d'esprit mais j'en connais l'incontance...
Je ne suis pas seul.
J'espère garder cet état d'esprit mais j'en connais l'incontance...
Prologue
Espagne
IBIZA
16 Mai 2012
Je viens de quitter l'Inde et après une halte à Paris avec Brice, je pars rejoindre une fille que j'ai connue en saison, à Ibiza.
Ça sonne bien comme ça, mais au moment où je vous parle, il est sept heures vingt du matin et après maintes embrouilles la veille (jour et soir compris dans leur totalité), je me suis fait virer de chez elle.
Je vais chercher un endroit où poser mes affaires - encore.
Quel spectacle hier devant le restaurant. C'était affreux. Je me suis fait insulter par l'amie de mon hôte qui a dit à tous ceux qui voulaient l'entendre que j'étais la pire des ordures. Putain, j'avais honte, j'ai même imaginé un genre de pugilat avec moi au centre, en sang. Je ne dirais pas que j'ai eu tord ou raison quand à mon attitude, simplement parfois, lorsque l'on a pris l'habitude d'être seul et de changer régulièrement de gens on se croit trop bien pour les futilités et...mes putains de conseils de vie et... de prendre les gens de haut quoi...putain ! Ça leur tape sur le système.
Je suis trop bien pour vous bande de nazes. Gardez avec vos énergies négatives. J'en veux pas.
Je viens de quitter l'Inde et après une halte à Paris avec Brice, je pars rejoindre une fille que j'ai connue en saison, à Ibiza.
Ça sonne bien comme ça, mais au moment où je vous parle, il est sept heures vingt du matin et après maintes embrouilles la veille (jour et soir compris dans leur totalité), je me suis fait virer de chez elle.
Je vais chercher un endroit où poser mes affaires - encore.
Quel spectacle hier devant le restaurant. C'était affreux. Je me suis fait insulter par l'amie de mon hôte qui a dit à tous ceux qui voulaient l'entendre que j'étais la pire des ordures. Putain, j'avais honte, j'ai même imaginé un genre de pugilat avec moi au centre, en sang. Je ne dirais pas que j'ai eu tord ou raison quand à mon attitude, simplement parfois, lorsque l'on a pris l'habitude d'être seul et de changer régulièrement de gens on se croit trop bien pour les futilités et...mes putains de conseils de vie et... de prendre les gens de haut quoi...putain ! Ça leur tape sur le système.
Je suis trop bien pour vous bande de nazes. Gardez avec vos énergies négatives. J'en veux pas.
En tout les cas là, je marche. Le centre de la ville me parait un peu loin mais ça me laisse le temps de méditer sur... des trucs.
Cette île ne m'a jamais portée chance, je dois bien l'avouer. Il faut dire que j'ai le chic pour me foutre dans les plans foireux.
J'ai passé un mois et demi ici, en juin 2006. Je vivais dans un soixante m2 avec Rocha, un Brésilien sans papier, maçon de métier, alcoolique et dépressif notoire et un jeune Chilien avec qui je partageais une chambre. J'étais magasinier dans un entrepot de matériel de construction et déchargeais des camions sous le soleil de plomb espagnol huit heures par jours pour huit cent cinquante euros par mois et me demandais bien ce que je foutais là. Je voulais oublier une fille et me la couler douce mais mes plans dorés n'avaient pas fonctionné comme prévu. C'était la merde totale. Pendant que mon colloc essayait de se faire les tapins à l'oeil et vendre de la beuh, Rocha pleurait et criait chatte en portugais dans le salon en s'enfilant des bouteilles de whisky. L'atmosphère était sordide et je prenais des coups de soleil et au moral tout les jours.
Lorsque Rocha et moi nous embrouillîmes pour une bière et qu'il me dit qu'il risquait de me tuer un jour si je restait là je compris qu'il était temps de partir.
Je n'ai jamais trop aimé cet endroit..
Cette île ne m'a jamais portée chance, je dois bien l'avouer. Il faut dire que j'ai le chic pour me foutre dans les plans foireux.
J'ai passé un mois et demi ici, en juin 2006. Je vivais dans un soixante m2 avec Rocha, un Brésilien sans papier, maçon de métier, alcoolique et dépressif notoire et un jeune Chilien avec qui je partageais une chambre. J'étais magasinier dans un entrepot de matériel de construction et déchargeais des camions sous le soleil de plomb espagnol huit heures par jours pour huit cent cinquante euros par mois et me demandais bien ce que je foutais là. Je voulais oublier une fille et me la couler douce mais mes plans dorés n'avaient pas fonctionné comme prévu. C'était la merde totale. Pendant que mon colloc essayait de se faire les tapins à l'oeil et vendre de la beuh, Rocha pleurait et criait chatte en portugais dans le salon en s'enfilant des bouteilles de whisky. L'atmosphère était sordide et je prenais des coups de soleil et au moral tout les jours.
Lorsque Rocha et moi nous embrouillîmes pour une bière et qu'il me dit qu'il risquait de me tuer un jour si je restait là je compris qu'il était temps de partir.
Je n'ai jamais trop aimé cet endroit..
Ibiza : ses hippies, ses teufeurs sous extasy, ses idoles de pacotille, ses grabataires bronzés, ses menus en allemands, ses transsexuels exhibitionnistes, tout ça m'a caché la beauté de l'île, l'harmonie des calanques et le bleu de l'eau. Seules sont restées le sel, la chaleur et une odeur de bitume fumant.
Je chope un hôtel pas cher, laisse passer le temps. Je pars dans deux jours et sors faire quelque photos mais le feeling n'y est pas.
J'appelle mon amie pour m'excuser que ce se soit fini comme ça, et elle ne m'en veut pas car j'ai un problème : je suis un sociopathe.
Je chope un hôtel pas cher, laisse passer le temps. Je pars dans deux jours et sors faire quelque photos mais le feeling n'y est pas.
J'appelle mon amie pour m'excuser que ce se soit fini comme ça, et elle ne m'en veut pas car j'ai un problème : je suis un sociopathe.
J'aurais bien aimé prendre en photo des jeunes mais je ne rencontre que des vieux. Normal, c'est la journée et les vampires ne sortent que le soir. Je suis à coté de la plaque.
Je repars d'Ibiza un peu blasé avec la sensation d'avoir encore beaucoup de travail pour apprendre à communiquer mes émotions. Et apprendre à me taire. Il faut que je trouve une place et les bonnes personnes.
Il y a tellement de monde et de possibilités.
Il y a tellement de monde et de possibilités.
Vincent Delesvaux 2012